Lançons un débat sur la nécessité pour l'Afrique de l'Ouest de protéger son agriculture !
Il y a quelques jours, j'ai reçu un courrier de M. Bruno Ouédraogo de la Ligue des Consommateurs du Burkina (LCB). Dans ce courrier Bruno se réjouit de quelques succès et avancées du combat de la Société Civile Africaine. Parmi ces avancées, il note que :
Ø L’Alternance est effective à la présidence de la CEDEAO : le Président du Ghana remplace le Président de la Côte d’Ivoire avec de vrais espoirs de changement de politique sous régionale en agriculture et en économie (réf : conférence des Chefs d’Etats de la CEDEAO - Yamoussokro –Cote d’Ivoire)
Ø Les APE n’ont pas été ratifiés avec l’Union Européenne au 44ème sommet de la CEDEAO tenu à Abidjan. Et pourtant le marché du cacao du Ghana et de la Côte d’Ivoire n’est pas menacé .La pénurie du Cacao contraindra de plus en plus les Européens à acheter aux conditions des producteurs.(réf : conférence des Chefs d’Etats de la CEDEAO de Yamoussokro –Cote d’Ivoire)
Ø La Société Civile du NIGER pèse lourdement dans les négociations des accords pour l’exploitation des mines d’uranium par AREVA qui se croyait en terrain conquis et qui refuse les conditions du Niger : le paiement des taxes dans un partenariat gagnant/gagnant avec le Niger conformément à la loi minière 2006 du Niger .(réf : manifestation devant le parlement nigérien à Niamey)
Ø La France (seul pays européen accepté à la réunion des Ministre des Finances de la CEDEAO à Abuja au Nigéria) vient d’accepter d’embarquer dans le navire du développement pour l’investissement en Afrique tout en reconnaissant que les accords actuels (CEDEAO/France) sont très déséquilibrés et que désormais les accords économiques et de financement devraient se faire dans le respect des priorités et des intérêts des Etats membres de la CEDEAO.
Ø L’Allemagne (Leader des pays de l’UE) repense sa stratégie de coopération économique et d’investissement avec l’ Afrique . Au cours du prochain sommet UA/UE à Bruxelles, elle devrait faire de nouvelles propositions en vue d'une meilleure coopération économique : cette meilleure coopération passerait par une augmentation des investissements avec les pays d'Afrique lors du sommet UA/UE à Bruxelles.
Mais Bruno Ouédraogo demande d'autres contributions. J'en profite pour appeler à un vaste débat sur le nouveau TEC. Le sommet extraordinaire des chefs d’états et des gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui s’est tenu le vendredi 25 octobre 2013 à Dakar s’est conclu par l’adoption du Tarif Extérieur Commun (TEC).
Depuis il ne se passe pas une semaine sans que la presse de l'Afrique de l'Ouest ne publie un article pour se féliciter de l'adoption de ce TEC. Par exemple, sur le site de AfriqueJet nous pouvons lire : « Le bloc régional des 15 pays membres de la CEDEAO a fait un 'bond prodigieux' en matière d'intégration économique, avec l'adoption du Tarif extérieur commun (TEC). Un bon prodigieux ? » Pourquoi pas ? Mais, est-ce un bond en avant ou un bond en arrière ?. En lisant ce passage, je me suis rappelé le discours d'un ministre algérien qui quelques années après l'indépendance de son pays se félicitait : « Le jour de l'indépendance, nous étions au bord du gouffre ! Depuis, nous avons fait un grand pas en avant ! »Or, je n'ai trouvé dans la presse, aucune analyse du contenu de ce TEC. Pourtant, si les négociations ont été longues, c'est que tout le monde n'a pas les mêmes intérêts.
Or ce TEC ne convient pas du tout aux paysans de l'Afrique de l'Ouest. Il ne protège aucun produit agricole (le lait en poudre est toujours taxé à 5 %, le riz à 10 %...) Aucune des propositions du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l'Afrique de l'Ouest (ROPPA) n'a été retenues !
Ce que je ne comprends pas : Le ROPPA, à ma connaissance n'a pas réagit. Il est temps d'organiser un débat sur la protection de l'agriculture, et notamment sur la proposition de Jacques Berthelot :
« La seule voie qui s'impose à la CEDEAO est de faire preuve de courage politique pour imposer à tous ses « donateurs » - qui sont aussi ses prédateurs – la refondation de sa politique commerciale agricole sur des Prélèvements Variables. Ils sont seuls à même d'assurer aux agriculteurs, soit près des 2/3 des actifs, des prix rémunérateurs et stables, et par là une forte hausse de la production et des revenus agricoles, base indispensable de son développement économique global face à la hausse de sa population qui passerait de 304 millions d'habitants en 2010 à 744 millions en 2050. »
Pour comprendre l'expression "Prélèvements variables" Lire : 472) Réguler les prix agricoles et alimentaires
Lire également : 473) Les règles de l'OMC ne permettent pas à la CEDEAO de protéger son agriculture
Koudougou, le 3 mars 2014
Maurice Oudet
Président du SEDELAN