DU 21 au 23 juin 2004, se tient à Ouagadougou une conférence
ministérielle et internationale sur les sciences et technologies
agricoles en Afrique. La conférence est présidée par son
excellence Blaise Compaoré, président du Faso, avec la
participation de 15 pays de l'Afrique de l'Ouest .
Certains de ces pays seront représentés par leurs Chefs d'Etat..
La conférence a d'abord fait l'objet d'une déclaration du département
américain parue dans la presse écrite burkinabè ((Cf. journal
"Le Pays" n°3139 du 4 juin 2004). Elle a ensuite été
officiellement annoncée au cours d'une conférence de presse
conjointement tenue par son excellence J. Anthony Holmes
ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique et le Ministre d'Etat
burkinabè de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources
halieutiques, Salif Diallo.
Le thème de la conférence est : "exploitation de la
science et de la technologie pour accroître la productivité
agricole en Afrique : perspectives Ouest -africaines"; Les
objectifs annoncés pour cette rencontre qui se veut celle de
grands scientifiques sont, selon l'Observateur Paalga du 8 juin
2004 :
- examiner les opportunités d'utilisation des technologies
pour accroître le rendement des cultures de base, des
cultures à forts apports économiques en Afrique de l'Ouest;
- contribuer à élargir les bases de la connaissance, de la
compréhension et de la prise de conscience des participants
sur les enjeux de la biotechnologie ;
- faciliter l'accès des nouvelles technologies à nos
scientifiques, à nos chercheurs et à nos étudiants au moyen
de partenariats multiformes; - contribuer à faire progresser
les nouvelles priorités retenues aux rencontres ministérielles
de Sacramento;
- soutenir les initiatives du président américain. La conférence
de presse du 7 juin a été l'occasion de fustiger les
diffuseurs d'informations erronées sur les OGM, de faire
l'apologie desdits OGM confondus à souhait avec la
biotechnologie. C'est finalement à cette occasion que la décision
du gouvernement burkinabè d'introduire les OGM dans notre
pays a été clairement affirmée.
Rappelons que cette conférence internationale vient après le
séminaire organisé en juillet 2003 par la SOFITEX et Monsanto
qui a été contraint de révéler l'utilisation des OGM (le coton
Bt) dans des champs d'expérimentation à Fada et à Bobo
respectivement à l'est et à l'ouest du territoire.
Depuis lors, de très nombreuses et vives voies critiques se
sont élevées sur la question des OGM dans le sens d'une
information des populations, d'une meilleure compréhension du phénomène
OGM de la part des producteurs et de décideurs politiques, d'une
meilleure connaissance de l'état réel des lieux au Burkina Faso
et surtout pour appeler au respect du principe de précaution en
matière d'utilisation des OGM.
Cette situation nous amène à poser
les questions suivantes :
- les populations africaines peuvent-elles attendre leur
salut de la biotechnologie américaine ?
- le gouvernement burkinabè peut-il trancher ainsi seul
et d'autorité la question des OGM ?
A propos de la première interrogation
:
La connaissance que nous avons des OGM, de leur impact sur la
santé humaine et animale et sur l'environnement, nous fait dire
que leur adoption doit être une question nationale pour chaque
pays africain. Il ne doit pas être permis que pour quelques intérêts
immédiats de certains on hypothèque la santé des hommes, des
animaux et des plantes et qu'on compromette à long terme
l'existence des futures générations.
C'est pourquoi le principe de précaution est la règle d'or en
matière de découverte scientifique. C'est aussi pourquoi au
Burkina Faso où il n'existe aucune infrastructure permettant
d'identifier un OGM ou d'analyser des produits transgéniques
ainsi que leur conséquences à court, moyen ou long terme et
malgré l'existence de directives nationales, il importe d'user de
prudence et de patience pour :
D'où la nécessité d'un moratoire de 5 ans au moins pour éviter
une entrée et une diffusion anarchique des OGM et de leurs
produits;
Devant l'ampleur du danger pour nous, notre terre et la vie des
générations à venir, devant le risque à très brève échéance
de mettre notre production agricole sous dépendance, nous sommes
plus qu'interpellés et personne ne peut rester indifférent, car
les conséquences ne seront pas sélectives.
En conclusion, organisations de la société civile,
chercheurs, scientifiques, producteurs et consommateurs de tous
les âges doivent s'impliquer et exiger d'être pri en compte pour
une
décision aussi grave dont les conséquences en bien mais en mal
nous concernent tous.
A propos de la deuxième question :
Faut-il rappeler que l'Afrique a trop longtemps servi les intérêts
du développement économique des autres parties de la planète
terre ? Quatre siècles d'esclavage et presque deux siècles de
colonialisme avec ses variantes de domination et d'exploitation de
l'homme africain ne semblent pas suffire à la prise de conscience
des africains et particulièrement des dirigeants quant à la nécessité
de trouver nous- mêmes les voies de notre salut.
Au Burkina Faso par exemple plus de 80% de nos ressources
financières sont utilisées pour payer une dette récurrente, et
pour importer des produits (pétrole, véhicule, matériaux de
construction, alimentation et même les jouets d'enfants.
Quel peut être le rôle des
biotechnologie devant une telle situation ?
La consommation de produits finis des biotechnologies n'est
qu'une solution à court terme et sans lendemain, une perpétuation
de la dépendance vis-à-vis des multinationales.
Comment expliquer la subite générosité et la grande
sollicitude du gouvernement américain et des multinationales
telles que Monsanto et autres qui nous financent des séminaires,
des expérimentations et des rédactions de textes réglementaires,
etc. Ceux qui s'engagent contre la subvention du coton par le
gouvernement américain devraient comprendre que les OGM ne
peuvent pas tout en matière d'accroissement de la production. Ils
devraient en conséquence prendre du recul et se demander ce que
viennent chercher les Américains et leurs multinationales au
Burkina Faso en matière de biotechnologie.
Il n'est pas un secret pour personne que lorsque le capitaliste
sort 1 franc il en récoltera 10. Monsanto et autres en dépensant
aujourd'hui sans compter pour l'agriculture africaine, loin de
viser à la rendre autosuffisante, entendent bien la contrôler et
ce, jusqu'au niveau de la production et de la sélection des
semences.
A propos d'accroissement de la production agricole et de la sécurité
alimentaire
Nous pensons que si la faim existe encore dans ce monde ce
n'est pas faute de nourriture de manière absolue. En effet, la
production alimentaire mondiale est suffisante pour nous nourrir
tous, même sans l'intervention des OGM. L'une des causes de la
famine est l'inégale répartition de la production.
Pourtant aucun des thèmes prévus à la conférence ministérielle
internationale n'abordera le problème sous cet angle.
Ainsi, cette conférence qui se déroule à Ouaga 2000, loin de
notre peuple, est une initiative du gouvernement américain et des
firmes transnationales à l'écoute avant tout de leurs propres
intérêts géostratégiques et financiers. Derrière les
objectifs meilleurs annoncés se noue une véritable tragédie
dont l'enjeu est la pénétration et l'expansion des OMG en
Afrique de l'Ouest...
Les Américains entendent ainsi passer par le petit , le pauvre
et nécessiteux Burkina Faso pour supplanter leurs rivaux européens
dans le contrôle du marché africain.
Ouagadougou le 20 juin 2004
Signataires :
ABAD (Association Burkinabè pour l'abolition de la Dette)
ASAD (Antenne Social Alert/Burkina),
B.LONGA (Bureau de Liaison des ONG et Associations),
CADTM/ATTAC/Burkina (Collectif pour l'Annulation de la Dette
duTiers-Monde),
CPPGA (Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique
Africain),
CCAE(Cadre de Concertation en Agro Ecologie),
COAFEB(Coordination des Associations Féminines du Burkina),
CV-OGM/BF (Coalition de Veille Face aux OGM au Burkina Faso)
RECIF/ONG (Réseau de Communication et d'Information des
Femmes)
SEDELAN (Service d'Editions en Langues Nationales)
SPONG (Secrétariat Permanent des ONG)