a b c B u r k i n a

Pauvreté rurale et commerce international

par le Ministre de l'Agriculture... du Burkina Faso.

Ce dossier, très complet, est paru dans la presse nationale burkinabè, du 6 au 8 août 2002.
Il fait le point de la situation, et offre différentes perspectives. A diffuser largement !

La chute du cours du coton au plan mondial suscite bien des inquiétudes de par le monde. Après la rencontre des ministres de l’Agriculture des pays de l’UEMOA en Côte d’Ivoire, cette question pendante est désormais au centre des discours, et les ministres concernés s’agitent. C’est le cas de Salif Diallo qui, a travers un long écrit , répond à M. Rouamba (cf. l’Observateur du 26 au 28 juillet 2002) en même temps qu’il approfondit la question. 

En effet, à travers cette sortie, le patron de l’Agriculture burkinabè se fait l’avocat (normal après tout) d’un secteur capital pour le Faso : le coton (la SOFITEX grève 200 milliards de FCFA/an). Pour lui, ceux-là mêmes qui éditent les lois commerciales de l’OMC et qui sont prompts à les violer, les USA notamment, doivent cesser leurs subventions sélectives qui hypothèquent dangereusement ce secteur ou à défaut qu’ils nous versent des compensations pour réparer cette injustice.


A l’occasion de la cérémonie officielle de lancement du Programme Sésame de la Société de Promotion des Filières Agricoles (SOPROFA) le 12 Juillet 2002 à Titao (Province du Lorum), j’ai abordé avec les organes de la presse nationale (Sidwaya, Le Pays, L’Observateur Paalga) certaines questions d’actualité relatives à la politique de mon Département, et en particulier la nécessité de lier la production agricole au marché, notamment par la promotion des spéculations porteuses telles que le sésame. J’avais saisi également cette opportunité pour évoquer les difficultés que rencontre la filière coton depuis bientôt deux (2) ans du fait de la chute historique des cours mondiaux de ce produit stratégique pour le Burkina Faso, chute due essentiellement aux effets négatifs des subventions massives accordées par certains pays développés (Etats-Unis et Union Européenne principalement) à leurs producteurs de coton.

C’est ainsi que j’ai relevé les contradictions flagrantes entre les discours de ces pays qui nous incitent et encouragent à adopter des mesures de réformes politiques et institutionnelles à travers les PAS afin de libéraliser à outrance nos économies qui créent en même temps des distorsions sur le marché, en enfreignant et en violant les règles du commerce international définies au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Suite à ces points de vue développés, certaines réactions dans la presse écrite (cf. L’Indépendant n°463 du Mardi 23 Juillet 2002 et L’Observateur Paalga n°5697 du Vendredi 26 au Dimanche 28 Juillet 2002), tout en reconnaissant la justesse de ma position, émettent des doutes quant au réalisme et à l’aboutissement d’une éventuelle plainte auprès de l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC.

C’est le cas notamment de l’écrit de Mr Jean Paul ROUAMBA que je félicite pour son effort de réflexion quant bien même certaines de ses appréciations ne trouvent pas de fondement dans mes propos. Bref les débats aujourd’hui sur nos politiques sectorielles de développement dans le cadre de la mondialisation doivent être menés avec beaucoup de rigueur et de précisions. Et dans le contexte actuel à vouloir suivre les contorsions de beaucoup de nos partenaires au développement sans pour autant nous doter nous même d’une vision nationale à travers la définition d’objectifs stratégiques, nous courrons le risque de rester toujours à l’arrière du train de l’émancipation des peuples. Je suis d’avis avec M. ROUAMBA qu’aujourd’hui, le débat mérite d’être mené. Et si j’ai tenu à dénoncer la pratique des subventions cotonnières, c’est finalement pour prévenir nos populations, surtout nos producteurs de coton, sur la duperie de ceux qui contrôlent le marché mondial de ce produit car le Burkina Faso a le coût de production au kg le plus bas au monde (dû à l’effort de nos paysans). A la vente pourtant le Burkina n’engrange pas grand chose du fait que quelque part
des puissances d’argent à travers différents mécanismes ont décidé à travers les subventions d’annihiler tous nos efforts. Je voudrais tout de suite rassurer les lecteurs que le but de mon écrit n’est pas d’instaurer une polémique avec les auteurs de ces articles publiés dans les différents journaux, même si je ne partage pas toujours leurs analyses. Je les félicite pour l’intérêt qu’ils ont pour cette question. J’estime plutôt nécessaire, compte tenu de l’importance et de la complexité des questions en débat, de les restituer dans un cadre plus global lié à la pauvreté rurale et au commerce international.

Aussi ma présente contribution sera articulée au tour des deux (2) principaux thèmes suivants : 

  • - le rappel des résultats des mesures de libéralisation de l’économie dans le
    secteur agricole au Burkina Faso,
  • - la Lutte contre la Pauvreté et le Commerce International des Produits
    Agricoles : le cas du coton.

 

I - RAPPELS DES RESULTATS DES MESURES DE LIBERALISATION DE L’ECONOMIE DANS LE SECTEUR AGRICOLE

Depuis les années 1990, le Burkina Faso, en concertation avec les partenaires au développement, a entrepris d’importantes réformes afin de créer un environnement politique, économique et institutionnel favorable à l’insertion du Burkina Faso dans le contexte nouveau de la mondialisation de l’économie. C’est ainsi qu’avec l’appui des institutions de BRETTON WOODS (Banque Mondiale et Fonds Monétaire International), le Gouvernement a mis en place à partir de 1991 un Programme d’Ajustement Structurel (PAS) en vue de la réforme des principaux secteurs de l’économie nationale.

Concernant les secteurs de l’agriculture et de l’élevage, en Mai 1992, le Gouvernement a élaboré la Lettre de Politique de Développement Agricole (LPDA) qui aboutira, après concertation avec la Banque Mondiale, à l’adoption et à la mise en œuvre du Programme d’Ajustement du Secteur Agricole (PASA) dont les principaux objectifs visaient :
- la modernisation et la diversification de la production, - le renforcement de la sécurité alimentaire, - l’amélioration de la gestion des ressources naturelles.

De 1992 à 1996, la première phase du PASA a porté essentiellement sur la mise en
œuvre d’une matrice d’une cinquantaine de mesures de réformes qui peuvent être
regroupées en deux volets :
- la libéralisation du secteur agricole
- la Réorganisation des Services Agricoles.

Les principaux résultats obtenus au terme de ces réformes se présentent comme suit.

1-1 Libéralisation du secteur agricole
Les principaux résultats concernent :


* la libéralisation de la commercialisation et des prix des céréales
traditionnelles (mil, maïs, sorgho).


Cette mesure a eu pour principales conséquences :
- le désengagement de l’Etat de la fixation des prix d’achat des céréales aux producteurs et de vente aux consommateurs. Les conséquences sur le terrain sont connues avec les déficits alimentaires ;
- la liquidation de l’Office National des Céréales (OFNACER) en 1994,
- la création de la Société Nationale de Gestion des Stocks de Sécurité (SONAGESS) qui n’intervient plus dans l’approvisionnement des consommateurs (sauf pour la rotation du stock de sécurité), assuré désormais par les
commerçants privés.

* La libéralisation du commerce interne du riz en 1996.

Cette mesure s’est traduite par :
- la suppression du monopole de la collecte et de la transformation du paddy par la Société Nationale de Collecte de Traitement et de Commercialisation du Riz (SONACOR) financé par la Caisse Générale de Péréquation (CGP), principal actionnaire, la suppression du monopole dont jouissait la CGP pour l’importation
et la commercialisation du riz (importé ou produit au niveau national), - la privatisation de la SONACOR.
Il convient de souligner que l’arrêt du financement de la collecte du paddy par la CGP (via la SONACOR) a entraîné d’énormes difficultés au niveau des producteurs qui n’arrivaient pas à écouler leur production de paddy se retrouvaient avec des impayés auprès des banques et des fournisseurs d’intrants agricoles (engrais et pesticides). Il a fallu la reprise récente de la SONACOR par la SOPROFA pour que ces contraintes commencent à trouver des solutions.

* La libéralisation de la commercialisation et des prix des graines oléagineuses

Cette mesure a entraîné les conséquences suivantes :
- la suppression du monopole dont bénéficiant la Caisse de Stabilisation des Prix des Produits Agricoles (CSPPA) pour l’exportation des produits du cru (arachide, sésame, soja, amandes de karité),
- la liquidation de la CSPPA, - la négociation des prix d’achat de ces produits agricoles entre producteurs et
commerçants et autres opérateurs privés qui sont dorénavant les seuls opérateurs sur le marché national.

* La privatisation de la quasi-totalité des entreprises publiques intervenant dans la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles.

Les entreprises ci-après ont fait l’objet d’une privatisation totale ou partielle : Flex-Faso, Grands Moulins du Burkina (GMB), Société Sucrière de la Comoé (SOSUCO), SAVANA, SONACOR, SOFITEX, etc.
A ces mesures, il convient d’ajouter la suppression de la subvention sur les intrants agricoles (engrais et pesticides). Tout cela devrait donner un déclic aux producteurs privés. Mais quand est t-il réellement aujourd’hui ; le secteur privé reste encore balbutiant.


1-2 Réorganisation des Services Agricoles

Les mesures de libéralisation économique dans le secteur agricole ont entraîné le désengagement de l’Etat au profit des opérateurs privés des fonctions de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles, d’une part, et d’approvisionnement, et de distribution des équipements et intrants agricoles, d’autre part. Ainsi, dorénavant, l’Etat devrait recentrer son rôle sur ses fonctions régaliennes que sont :
- la définition des orientations politiques et stratégiques pour le développement du secteur,
- la réglementation et le contrôle de l’application des normes techniques et juridiques par les différents acteurs,
- le suivi/évaluation des Programmes et Projets de développement,
- l’appui/conseil aux différents acteurs intervenant dans le développement de
l’agriculture.

Aussi, dans le cadre du PASA, la Réorganisation des Services Agricoles visait à améliorer l’efficacité des Services Publics, réduire le coût de fonctionnement et responsabiliser les Organisations Professionnelles Agricoles (OPA) et les opérateurs privés dans le transfert progressif des fonctions dont l’Etat s’est désengagé. C’est la raison pour laquelle les mesures suivantes ont été prises par le Gouvernement :

- suppression des Centres Régionaux de Promotion Agro-Pastorale (CRPA) qui
étaient des Etablissements Publics à caractère Industriel et Commercial (EPIC) ;

- création des Directions Régionales et des Directions Provinciales de l’Agriculture (DRA et DPA) qui se concentrent uniquement sur les fonctions d’appui/conseil aux producteurs et à leurs organisations, de suivie évaluation des Programmes et Projets de leur ressort territorial et de contrôle de l’application de la réglementation dans le secteur agricole ; - réduction du nombre de Directions Centrales de douze (12) à huit (8) par le regroupement de plusieurs services ;

- le redéploiement du personnel au profit des services déconcentrés (DRA et DPA).

Comme on peut le constater les objectifs de la Réorganisation des Services Agricoles étaient très nobles, malheureusement le processus n’a pas été conduit jusqu’à son terme, notamment par un renforcement des ressources humaines (en quantité et en qualité) et par l’adoption d’un système de vulgarisation agricole, et de financement conséquent du monde rural. Donc la question des réformes adaptées au nouveau contexte politique et institutionnel, reste d’actualité et nous travaillons avec la Banque Mondiale à la réalisation d’un audit organisationnel du secteur du développement rural. (Fin de la première partie)

2 ° Partie : Pauvreté rurale et Commerce International (suite)

3° Partie : Pauvreté rurale et Commerce International (suite et fin)

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