Témoignage d'un ancien éleveur de mouton
Le 23 juin dernier, j'ai reçu le courrier ci-dessous. Il s'agit du témoignage d'un ancien président de la Fédération Nationale Ovine (FNO) de la France. Il réagit à la lettre abcBurkina 472 sur la nécessité de réguler les produits agricoles et alimentaires, et d'introduire « les prélèvements variables » à l'OMC. Elle est introduite par un de ses amis.
Je transmets tes lettres abcBurkina à mon réseau associatif. Ci-après du trouveras le message d’André MENET, membre d’AFDI 17 (Agriculteurs Français et Développement International ; Département Charente Maritime), et ancien Président de la Fédération Nationale Ovine (FNO). Il te fait part de son expérience sur la nécessité et l’efficacité de protéger les producteurs pour réguler les prix agricoles et alimentaires au bénéfice des producteurs et des consommateurs à l’exemple des mesures prises dans les années 1970 pour se protéger des importations d’ovins en provenance de la Grande Bretagne et de la Nouvelle Zélande.
Amitiés. André Delphin.
« Bonjour André Delphin,
Effectivement, les prélèvements sont plus sérieux pour protéger le revenu des producteurs sans pénaliser avec excès les consommateurs quand les importations sont nécessaires.
L'élevage ovin français a pu se développer dans les années 70 avec ce système qui nous protégeait des importations à bas prix du Royaume-Uni abondées par la Nouvelle-Zélande.
Chaque année, le ministre de l'Agriculture venait à l'Assemblée Générale de la FNO annoncer le prix de seuil qui déterminait le niveau minimum des produits importés.
Un prélèvement était effectué par la Douane pour ajuster le prix d'entrée au niveau du prix de seuil.
J'étais à cette époque président des éleveurs de moutons de Charente-Maritime et nous avons doublé les effectifs de brebis entre 1970 et 1984 avec ce système qui sécurisait le revenu des éleveurs.
Hélas, les Anglais sont entrés dans le Marché Commun et ont imposé les subventions aux producteurs. Elles ont cassé le marché, et l'élevage ovin français régresse toujours depuis ; alors qu'il y a un marché pour lui en France et les surfaces pour le produire.
J'étais devenu président de la Fédération Nationale Ovine au moment de cette évolution et j'ai très mal vécu ce processus inéluctable.
Si cette expérience peut alimenter la réflexion de nos amis africains, tu peux leur en faire part.
Je partage avec toi, et nos collègues de l'AFDI, l'objectif de développer l'agriculture locale. Son développement est précurseur de celui de tous les autres secteurs de l'économie d'un pays.
Cordialement, André Menet »
Merci à André Menet pour ce témoignage en faveur des « prélèvements variables ». Je serai très intéressé par d'autres témoignages, sur d'autres produits. L'expérience de l'Europe devrait nous aider, ici en Afrique de l'Ouest, à faire le bon choix pour protéger notre agriculture et notre élevage : le choix des « prélèvements variables ».
Curieusement, le même jour, des éleveurs de moutons français se sont rendus à Paris avec leurs moutons, pour que les parisiens se rendent compte de la qualité des agneaux élevés en France et des problèmes des éleveurs.
Ces problèmes sont résumés en ces termes sur le site de la Fédération Nationale Ovine :
« La situation sur le marché de la viande ovine est extrêmement tendue depuis le début de l’année : surplus d’agneaux, consommation morose, coûts de production toujours élevés…
Dans ce contexte déjà difficile, les envois massifs d’agneaux néo-zélandais qui arrivent par cargos entiers à prix bradés, au terme de longues semaines de voyage sous atmosphère modifiée, déstabilisent totalement le marché européen et français.
Nous ne pouvons plus laisser cette situation se poursuivre et les néo-zélandais doivent prendre conscience des conséquences de leurs actes. Des prix bas ne font pas vendre plus d’agneaux, et mettent en danger toute la filière. Ils ne permettent pas aux éleveurs de vivre dignement de leur production, ni en France, ni en Nouvelle-Zélande... »
Ce qui montre bien que les « prélèvements variables » sont bons pour les agriculteurs et les éleveurs du monde entier, pas seulement pour les paysans africains !
Koudougou, le 13 juillet 2013
Maurice Oudet
Président du SEDELAN