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Les paysans burkinabè sont-ils des citoyens de deuxième ordre ?

Cette lettre fait suite à la lettre 454 : « Stupéfaction et désolation au Sourou » et à la lettre 455: « Droit de réponse du MCA-BF ». Aujourd'hui, Les producteurs de la Vallée du Sourou privée d'eau, à leur insu, au profit des travaux d'aménagements de nouveaux hectares par le MCA-BF s'impatientent. Non seulement, ils n'ont pas été indemnisés, mais apparemment, personne ne s'intéresse à leur sort.

L'eau baisse, les plus fortunés vont louer des pompes pour récupérer le peu d'eau qui reste à leur portée ! Les troupeaux de zébus broutent la paille de riz Les producteurs de la vallée du Sourou sont formels. Le manque d'eau au Sourou a entraîné, pour les producteurs, une perte de 1 933 tonnes de riz, et de 470 tonnes de maïs. Depuis plusieurs mois, ils ont informé le Directeur Général de l'Autorité de Mise en Valeur de la Vallée du Sourou (AMVS). Ce dernier leur a signifié que le dossier a été transmis à qui de droit, c'est à dire à l'autorité de tutelle, le Ministre de l'Agriculture. Le Maire de Di, ne dit pas autre chose, mais il ne se passe rien.

Je regrette que la presse burkinabè ne se soit pas intéressée à cette affaire. Pourquoi, à ma connaissance, aucun journaliste, ne s'est rendu sur les lieux pour faire sa propre enquête ?

J'ai écrit plus haut. Il ne se passe rien. Ce n'est pas exact. Au moment d'écrire cette lettre,j'ai feuilleté rapidement les exemplaires du mois d'août d'un journal de la place. Je n'ai trouvé aucune information sur la situation des agriculteurs de la vallée du Sourou. Par contre j'ai pu lire.

  1. Dans l'édition du vendredi 3 août 2012, toute une page sur la Campagne Nationale de Reforestation : Le gouvernement donne le bon exemple. « Le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, a planté dix arbres ». J'aurais aimé lire quelque part que le Premier Ministre qui en son temps s'était rendu au Sourou pour dire aux producteurs de riz de la Vallée du Sourou : « Vous êtes des privilégiés », y retourne pour y manifester sa compassion.

  2. Le vendredi 10 août : Toute une page pour nous dire que les membres d'un comité de jumelage ont fait un don « de vivres pour des enfants malnutris ». « 35 sacs de riz, 35 sacs de maïs, 10 bidons d'huile, 10 cartons de sucre et 4 cartons de lait, voilà l'essentiel de ce don d'une valeur estimée à 2 millions». Mais rien, ni en juillet, ni en août, ni en septembre ou en octobre « sur la perte des producteurs de riz qui s'élève pourtant à 1 933 tonnes de riz et 470 tonnes de maïs, pour une valeur estimée à 318 millions de F. 159 fois plus ! Mais pas une ligne.

  3. Au lundi 13 août, je lis : « Le Programme national de gestions des terroirs (PNGT2), à travers le soutien financier de la Banque mondiale, est allé le vendredi 10 août remettre 30 tonnes de maïs à 90 ménages vulnérables de Komsilga. » Aucune compassion envers les ménages vulnérables de la Vallée du Sourou qui ont subi les effets pervers d'une mauvaise évaluation des experts du MCA-BF et, par la suite, de l'AMVS.

  4. Au jeudi 16 août, encore toute une page pour glorifier une association qui a fait don de 22 tonnes de maïs à des nécessiteux. Décidément, on préfère parler des dons que de lutte contre l'injustice. Toujours aucun intérêt manifesté pour les producteurs du Sourou qui ont subi une perte de 1 933 tonnes de riz et de 470 tonne de maïs !

  5. Au jeudi 30 août, je trouve enfin des nouvelles du Ministère de l'Agriculture. S'est-il rendu dans la vallée du Sourou ? Non. On nous dit simplement que « Le Ministère de l'Agriculture et de l’Hydraulique … s'est rendu dans des champs de la région du Centre-Est et de l'Est » pour assuré le suivi de la campagne agricole.

J'arrête là mon énumération. Je lis régulièrement ce quotidien. Sauf erreur de ma part, je sais que personne ne s'est rendu auprès des producteurs de la Vallée du Sourou pour s'informer de leur situation ou pour faire sa propre enquête. Si j'écris cette lettre, c'est parce que le Président de l'Union des Coopératives Agricoles de la Vallée du Sourou s'est tourné vers moi. Ils me dit que les producteurs perdent patience. Ils sont endettés. Ils ne voient pas comment s'en sortir. Faute de moyens, ils ont du réduire, cette saison humide, les surfaces cultivées, s'enfonçant un peu plus dans la pauvreté.

En terminant cette lettre, je pense à ce haut fonctionnaire (ancien ministre de la Guinée) qui nous disait en juin 2005, durant une rencontre internationale au Sénégal :

« Vous, les représentants de la société civile (et donc des Organisations Paysannes), nous vous invitons à parler librement, car nous, les hauts fonctionnaires, nous avons une carrière à gérer. »

Deux vannes sont encore ouvertes, l'eau continue à baisser, et les producteurs "à pleurer" Les travaux continuent, l'inquiétude est grandissante chez les producteurs Apparemment au Burkina, que ce soit dans les Ministères, à l'Autorité de Mise en Valeur de la Vallée du Sourou, au Millennium Challenge Account-Burkina Faso (MCA-BF), parmi les experts (je pense tout spécialement à cet expert qui a conclue « que les superficies proposées [par l'AMVS] pour emblavement pouvaient l’être sans risque de pénurie d’eau ») beaucoup, sinon tous, ont « une carrière à gérer ».

Sinon comment comprendre qu'aucune compassion ne s'est exprimée en faveur des producteurs de la Vallée du Sourou, aucune recherche de la vérité et de la justice, aucune indemnité?

Les producteurs de riz du Sourou demande à être indemnisés

à hauteur de 318 millions de F CFA !

Jusqu'à quand devront-ils attendre ?

Koudougou, le 5 novembre 2012
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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