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Etuvé, le riz burkinabé se vend bien !

D’après l’expérience de Koudougou avec le riz du Sourou.

En janvier 2004, au cours d’une brève visite au Sourou, nous avons rencontré les responsables de l’Association CANI. Ils avaient plus de 1 000 tonnes de riz paddy dans leurs magasins (dont 100 à 200 tonnes récoltées en juin 2003). Nous avons voulu les aider en ouvrant un magasin de vente du riz du Sourou à Koudougou. Nous avons commencé par faire venir du riz décortiqué que nous avons vendu à 6 000 F le sac de 25 kg. Nous en avons encore actuellement. Nous écoulons environ une tonne de ce riz par mois.

Par contre, depuis décembre 2004, nous faisons venir également du riz paddy. Ce riz se vend très bien. Il est acheté par une douzaine de femmes qui l’étuvent et qui le revendent sur les marchés traditionnels et auprès de quelques restaurateurs. Nous en rachetons une partie que nous valorisons en les mettant dans des sachets de 1 kg bien conditionnés où la qualité et la provenance sont indiquées. Ces sachets sont vendus dans notre magasin, mais aussi dans les boutiques modernes de la place. Nous avons fait un contrat avec l’association CANI pour être sûrs d’avoir du riz jusqu’en juin 2005 (c’est à dire jusqu’à la prochaine récolte). L’association CANI n’a pas su respecter son contrat à cause de la SOPROFA qui leur doit encore 20 millions de F CFA. Mais à l’avenir, c’est ce genre de contrat qu’il faut prévoir pour garantir une continuité dans l’offre de riz dans notre magasin.

Nous pensons qu’à l’avenir, nous sommes capables d’écouler 400 sacs (de 75 kg) de riz paddy par mois (peut-être le double : c’est l’expérience qui nous le dira. Cette année, l’association CANI n’a pas pu répondre à notre demande), soit 2 400 sacs en 6 mois (durant une saison de culture). Ce qui représente une valeur de 7 500 F x 2 400 = 18 000 000 F
(18 millions).

Que retenir de cette expérience ?

  1. Du côté des producteurs : depuis que l’Etat n’assure plus la commercialisation de leur riz, les producteurs (et donc les différentes associations) sont à la recherche de clients sûrs. Comme ils ont besoin d’argent pour assurer le lancement de la campagne qui suit, tant qu’ils n’auront pas leur propre trésorerie, ils sont intéressés par des clients, comme nous, qui signent un contrat qui s’étale sur six mois, l’association nous livrant le riz tous les 15 jours. Ce qui nous arrange car nous n’avons pas les magasins nécessaires pour stocker de grandes quantités de riz. Nous payons le riz à l’avance, ce qui cette fois arrange les producteurs qui manquent de trésorerie. Les producteurs doivent pouvoir vendre un tiers de leur récolte avant le début de la campagne suivante pour s’assurer de la trésorerie nécessaire. L’association CANI, par exemple, aurait besoin de deux clients qui leur apportent chacun 18 millions dès la récolte.

  2. Pour les commerçants qui voudraient se lancer dans la commercialisation du riz, pour s’assurer d’avoir du riz toute l’année, il leur faut donc une bonne trésorerie. Ensuite, il est clair qu’actuellement (tant que le vieux riz thaïlandais rentrera librement au Burkina) il faut mettre l’accent sur la commercialisation du riz paddy et du riz étuvé. D’autant plus que le riz étuvé est meilleur pour la santé, et qu’il offre un meilleur rendement, avec moins de brisure…
    A l’avenir, il faut prévoir différent conditionnement du riz étuvé : en sachet de 1 kg, mais aussi en sacs de 3 ou 5 kg, 10 kg et 25 kg. Des sacs labellisés avec la date de la récolte, la provenance et la qualité.

  3. Pour les femmes qui veulent étuver le riz.
    Actuellement certaines femmes n’ont pas les moyens d’acheter le riz paddy. Il serait sans doute utile qu’elles se mettent en associations. Elles pourraient plus facilement obtenir la trésorerie nécessaire pour démarrer (de l’ordre de 500 000 F), et ensuite s’équiper de séchoirs solaires, ce qui éviterait que le riz soit étalé à même le sol, ce qui n’est pas la solution la plus hygiénique !

  4. Quand le circuit de vente sera stabilisé, les étuveuses seront capables de renforcer leur circuit de distribution, notamment au niveau des restaurateurs.

  5. Pour soutenir la production locale, il est clair qu’il est également possible (préférable ?) d’agir en amont du côté des producteurs. Ce qui leur manque, c’est une trésorerie. Pour échapper à la pression des commerçants, il leur faut une trésorerie qui correspond à environ 1/3 de leur production (d’une saison de culture).

  6. On peut aussi envisager que des femmes se spécialisent dans la production de riz étuvé, sur les lieux de production, en lien avec l’association des producteurs. Si l’association des producteurs a suffisamment de trésorerie (soit personnellement, soit grâce à des clients qui payent à l’avance…), ces étuveuses pourraient être payées au travail par l’association elle-même qui commercialiserait le riz étuvé. Elles pourraient le faire en sacs de 25 et 50 kg dûment labellisés. On peut imaginer, à l’avenir, une association de producteurs qui vend par contrat un tiers de sa récolte sous forme de riz paddy, et qui vend les deux tiers restant sous forme de riz étuvé (dit « américain » dans le langage populaire, car alors, il ressemble au riz du Cathwel).

  7. Ces différentes propositions demandent certaines ressources financières. Avec deux ou trois millions de F CFA, un groupement d’étuveuses peut considérablement renforcer ses capacités (pour acheter le riz paddy et commercialiser le riz étuvé, mais aussi pour s’équiper en étuveuses modernes - ayant une plus grande capacité que les marmites traditionnelles – et en séchoirs solaires).

  8. Pour la trésorerie des associations de producteurs, les besoins sont beaucoup plus considérables. Il faudrait sans doute s’appuyer sur la proposition de la Confédération Paysanne du Faso qui demande « d’utiliser l’aide alimentaire pour pouvoir bientôt se passer de l’aide ». Pourquoi ne pas négocier avec le gouvernement pour que 20 % des ressources générées par le riz offert par le Japon alimentent la trésorerie des producteurs de riz des grandes rizières ? Avec la même demande, les producteurs pourraient aussi se tourner vers les ONG américaines qui monétisent du riz américain. En un ou deux ans, la production nationale de riz se trouverait grandement renforcé.

Koudougou, le 31 mars 2005
Maurice Oudet

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