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Ce qui s'est passé en France (à Annecy) mérite notre attention pour de multiples raisons. Il est intéressant, par exemple, de noter que la revendication de la reconnaissance de "la souveraineté alimentaire" ne concerne pas seulement les pays du Sud. Il faut noter également que les paysans n'étaient pas seuls à réclamer "le droit de souveraineté alimentaire". Ils avaient de nombreux alliés. Au Nord comme au Sud, les paysans seuls ne pourront obtenir la reconnaissance de la souveraineté alimentaire. Des alliances sont nécessaires.
C’est par une manifestation dans les rues d’Annecy réunissant, selon ses organisateurs, 5 000 personnes que s’est clos hier le rassemblement Changeons de cap ! Changeons la PAC ! Organisés par la Confédération paysanne, ATTAC, le CCFD, les Amis de la terre, Adabio, Greenpeace et la Terre en héritage, ces deux jours de débats, d’ateliers et de conférences ont été consacrés à l’état de santé de la politique agricole commune (PAC), les menaces que portent les politiques libérales et les alternatives à leur opposer.

« Nos sociétés ont oublié que l’agriculture nourrit la planète. » Ce constat de l’économiste de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, Lucien Bourgeois, résume le mal à lui seul. « Le marché tend à faire des produits agricoles des marchandises comme les autres alors qu’ils sont des biens essentiels à la vie », poursuit Aurélie Trouvé, coprésidente d’ATTAC. Or, « en soumettant l’agriculture au marché, les institutions internationales l’ont déstabilisé », soutiennent unanimement les participants, faisant valoir que « les fluctuations erratiques des cours dégradent les revenus des paysans jusqu’à détruire des exploitations partout dans le monde ». Une logique qui est à « l’origine de la crise alimentaire » mise en lumière par les récentes émeutes de la faim dans les pays du Sud ou l’inflation des prix à la consommation dans les pays du Nord.

Fort de cette analyse, syndicats et associations réunis à Annecy tirent « le signal d’alarme » sur les projets de la Commission européenne. « La commission veut une PAC OMC compatible », soutient Régis Hochart, porte-parole de la Confédération paysanne. Le syndicaliste dénonce « une fuite en avant dans la libéralisation ». « Le projet de réforme de la PAC consacre l’abandon des outils de régulation de la production. » Ainsi, les quotas laitiers, qui permettent de lutter contre la surproduction ou au contraire de prévenir la pénurie, doivent disparaître en 2015.

Opposés aux desseins de la Commission européenne, les organisateurs du rassemblement ne prônent pas le statu quo. Continuant de dénoncer « le productivisme mercantile, destructeur économiquement et socialement et responsable des atteintes à l’environnement », selon les mots d’Aurélie Trouvé, ils militent pour une profonde transformation de la PAC. « Le droit à la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit pour les États de préserver leur agriculture, doit être reconnu », explique Régis Hochart. Une plate-forme revendicative propose ainsi qu’à l’avenir la PAC favorise l’accès au métier, la rémunération par les prix plutôt que par les primes…

En matière de régulation des marchés au niveau mondial, la Confédération paysanne plaide pour que l’agriculture échappe à l’OMC et qu’elle soit gérée par une organisation mondiale de l’agriculture. Une proposition accueillie avec prudence par les Verts et le PS qui pointent le danger du bilatéralisme. Le responsable du PCF Daniel Cirera alerte sur le fait que « sortir de l’OMC ne signifiera pas la fin du libéralisme ». Il faut, selon lui, « travailler à la fois les questions de gouvernance des institutions internationales et européennes et celles du contenu des politiques poursuivies ». Les prochaines élections européennes le permettront-elles ?

Pierre-Henri Lab
Annecy (Haute-Savoie)

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