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Consommons burkinabè !

La scène se passe à Ouagadougou, après une réunion avec des représentants burkinabè d'ONG de solidarité internationale. Ces ONG cherchent à appuyer le développement rural du Burkina Faso. Notre réunion se termine. Elle s'est bien passée, dans un climat d'écoute mutuelle. Il est bientôt midi. Je me risque à poser les quelques questions suivantes aux burkinabè:

"Qu'avez-vous mangé ce matin avant de venir à la réunion ?
Réponse : "Nous avons pris un café au lait avec un morceau de pain."

"Et hier soir, qu'avez-vous mangé ?"

Réponse : "Du riz."

Et hier midi ? - "Encore du riz." D'autres : "Des pâtes alimentaires."

Je termine : "Donc vous n'avez pas besoin des paysans burkinabè."

Les visages se ferment, puis l'un d'entre eux se risque : "C'est vrai !"

C'est que pour l'essentiel le riz est importé, tout comme le blé. La réunion est terminée. Chacun rentre chez lui, mais il faudra bien poursuivre la réflexion.

Nous avons là le résultat d'une politique nationale qui a toujours favorisé la ville aux dépends des zones rurales. Alors que tout les pays développés ont protégé (et protègent encore) leurs agricultures, le Burkina Faso, comme bien d'autres pays africains, a toujours cherché à nourrir les populations urbaines au moindre coûts. Et donc le Burkina Faso laisse entrer, entre autres, le riz et le blé (fortement subventionnés) sans taxes significatives. Le pain, inconnu au début du 20° sciècle se répand dans tous les villages...

Plus de 80 % des burkinabè vivent de l'agriculture et/ou de l'élevage. Le développement du pays passe donc par le développement de son agriculture ? Si la politique des prix décourage les paysans, quel peut-être l'avenir de l'ensemble du pays ?

Dans le rapport de l'U.E.M.O.A. "Les grandes orientations de la Politiques Agricoles de l'UEMOA", nous lisons (p 27) :

"La différence entre les revenus ruraux et urbains - qui est de 1 à 4 pour l'ensemble de l'UEMOA - atteint des proportions inquiétantes au Niger et au Burkina Faso"
(il est de 1 à 9 au Burkina Faso !)

Que vaut l'indépendance d'un pays qui dépend pour l'essentiel de l'extérieur pour nourrir ses populations urbaines ? C'est pourquoi, me semble-t-il, il est nécessaire et urgent, pour le Burkina Faso et bien d'autres pays du Sud, de faire respecter son droit à la souveraineté alimentaire.

"La souveraineté alimentaire désigne le DROIT des populations, de leurs Etats ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis à vis des pays tiers.

Maurice Oudet

Koudougou, le 3 février 2003.

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