Vous trouverez
ci-dessous, la communication du Maire de Sadiola (mine d'or du Mali, près
de Kayes). Ce témoignage illustre autant l'intérêt des pays du Nord
pour les matières premières de l'Afrique, que son mépris des
populations. A méditer au moment où certains fondent tant d'espoir dans
le NEPAD.
A Siby, il a été répété que NEPAD voulait dire NE PA Développer.
L'exploitation
aurifère de Sadiola - région de Kayes - fut financée aux 2/3 (soit 160
millions de $ sur 246 millions de $ investis) par les prêts de banques
publiques nationales et internationales : Caisse Française de Développement
18 millions, Proparco 12 millions (France) ; FMO 15 millions
(Hollande) ; DEG 15 millions (Allemagne) ; BEI 40 millions
(Europe) ; SFI 60 millions (Banque Mondiale) - cf. worldbank.org :
Sadiola financing plan
Ces sommes furent
dirigées vers les Compagnies multinationales minières privées qui
exploitent le site - l'Etat ne touchant que le minimum légal en vigueur
pour livrer l'accès à ses ressources minières. Elles furent catalysées
par la Banque Mondiale, sur la base des garanties environnementales formulées
dans l'Etude d'Impact Environnemental Envirolink 1994.
L'exploitation de
la mine a drainé un afflux massif de population : mineurs
(souvent célibataires), camionneurs, hommes en quête de travail - d'où
la dégradation des mœurs de notre Commune, la démultiplication de la
prostitution professionnelle ou occasionnelle… en conséquence, la
propagation alarmante du VIH dans notre région.
Ces ouvriers travaillent dans des
conditions dangereuses : conduite de véhicules vétustes,
respiration permanente de poussières, exposition aux émanations toxiques
des produits de traitement . Nous constatons le décès ou l'invalidité
de dizaines d'ouvriers de l'exploitation.
L'extraction du minerai comme la
circulation de véhicules de fort tonnage sur la route Sadiola-Kayes, non
bitumée, génère des poussières très importantes en particules
respirables, chargées d'arsenic, plomb, cadmium, antimoine… Nous
constatons l'augmentation de la fréquence des maladies respiratoires au
sein des populations locales, en particulier chez les personnes âgées et
les enfants.
Le minerai est traité au cyanure utilisé
par dizaines de milliers de tonnes, et rejeté dans le bassin de boues de
Sadiola dépourvu de tout revêtement ou, pour l'exploitation annexe de
Yatela, revêtu d'un film plastique sans aucun contrôle des eaux de
surface ou souterraines. Nous constatons que ni les recommandations formulées
dans le rapport Envirolink (1994), ni les lignes directives de la Banque
Mondiale dans le domaine minier (1995) sur la qualité de l'eau et de
l'air ne sont appliquées à Sadiola. En effet, la SEMOS (Société
d'Exploitation des Mines d'Or de Sadiola) ne s'est pas dotée
d'instruments de mesure garantissant l'application de ces normes. De plus,
malgré leurs lacunes les mesures effectuées à Sadiola demeurent préoccupantes ;
ainsi le taux de cyanure total du puits de contrôle BH1 s'élève jusqu'à
0,5 mg/l à la saison des pluies 1998, révélant une contamination des
eaux de surface à cette période. (L'EIE Envirolink 1994 préconise un
taux de cyanure total maximum de 0,1 mg/l pour les eaux de boisson). Nous
constatons de nombreuses fausses couches et décès d'enfants en bas âge
dans les villages les plus exposés lors des débordements des bassins à
boues…
Nous constatons la perte de cheptel ovin
et bovin, la perte de terres cultivables, la violation de nos sites sacrés…
Nous sommes préoccupés du drainage
acide minier généré par l'extraction de minerai sulfuré depuis
2002, particulièrement dans la carrière principale de Sadiola ainsi que
les carrières satellites - provoquant à moyen et long terme l'infiltration
de métaux lourds jusqu'aux nappes phréatiques.
L'eau, l'air et
la terre de Sadiola sont menacés. La survie de notre population est menacée.
Aujourd'hui se profile la
calamité écologique sur notre région.
Demain, qu'en sera-t-il de Sadiola ?
Enfin, les exploitations minières se
multiplient sur le Mali. A Syama, aujourd'hui désaffectée, les
populations meurent tout doucement de maladies non diagnostiquées. Les
eaux souterraines et les eaux de ruissellement sont polluées. Les mines
de Morila, Loulo sont entrées à leur tour en production. Les
explorations se poursuivent intensivement sur tout le territoire malien.
Nous exigeons la mise en place d'un contrôle fiable des normes
environnementales sur ces exploitations, afin de protéger la santé des
populations locales.
Le maire de Sadiola, le 3 juin 2003
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