Paris est pour deux
jours la capitale du coton africain. A l’initiative de l’Union
Européenne, représentants des pays et des paysans africains
producteurs de coton, experts internationaux, hauts fonctionnaires
européens, ministres vont venir discourir de l’avenir du coton
africain. Les Européens veulent mettre en place un partenariat avec
les pays producteurs, en particulier avec ceux d’Afrique de l’Ouest,
dans l’économie desquelles le coton occupe une place centrale.
Tout cela est bien sûr né des distorsions provoquées sur le marché
mondial par les subventions que les grand s pays producteurs,
Etats-Unis, Europe, Chine, accordent à leurs paysans. Les
Africains, aux coûts de production très faibles, ne bénéficient
d’aucune aide de ce genre. La concurrence est donc faussée à
leur désavantage. Les Européens reconnaissent la nécessité de
remédier à cette situation. Ils estiment avoir fait un pas en réformant
leur politique de subvention. Ils veulent maintenant en franchir un
second. L’objectif du partenariat est donc de« soutenir de
manière globale, structurelle et durable le développement du
secteur du coton en Afrique. » Mais il y a quelques problèmes.
Le premier, c’est que la plupart des pays cotonniers d’Afrique
de l’Ouest, Mali, Burkina Faso, Bénin, Tchad, n’ont pas mis au
point les schémas de développement dans les filières coton qui
permettraient le déblocage d’une aide européenne. Cette relative
passivité des capitales africaines, s’explique par la conviction
que l’essentiel des difficultés sur les marchés mondiaux vient
des subventions massives perçues par les producteurs américains et
dans une moindre mesure par les Espagnols et les Grecs. Il en sera
bien sûr question jusqu’à demain au centre de conférence de
l’avenue Kleber. Mais les Européens n’ont pas le pouvoir de
supprimer les subventions américaines. Cette partie là se joue à
Washington et à Genève, au siège de l’ Organisation Mondiale du
Commerce où les Brésiliens viennent d’obtenir la condamnation
des pratiques américaines.
Le deuxième problème, c’est que ce forum coïncide avec un
nouvel effondrement des cours du coton sur les marchés mondiaux. «Pour
une livraison au mois de mars 2005, s’exclame un exportateur
africain, on nous propose 52 cents la livre de coton sur le marché
newyorkais».
52 cents, c’est bien sûr une misère. ( abcburkina
: surtout que le cours du dollar est très faible, actuellement par
rapport au F CFA lié à un euro fort).
Dans son bilan mensuel, le Comité International Consultatif
rappelait la semaine dernière que les cours du coton avaient été
à leur niveau le plus élevé depuis 1997 pendant les quatre
premiers mois de l’année 2004.
L’embellie
n’aura pas duré très longtemps. Mais la conséquence, c’est
que beaucoup de gens ont planté du coton. «Pour 2004-2005,
estiment les spécialistes du Comité du Coton, la production va dépasser
la consommation de 800 000 tonnes». Le forum euro-africain sur
le coton va donc se dérouler pour les producteurs dans un climat
d’urgence auquel ce genre de conclave peut difficilement répondre.
L’Europe
veut aider les producteurs africains de coton
« La savane a écouté la forêt ». C’est
sur ce dicton africain cité par un haut fonctionnaire européen que
le forum euro-africain pour un partenariat sur le coton s’est
conclu hier à Paris. « Nous vous avons entendu »
ont ainsi voulu dire les Européens aux Africains. Tout au long de
ces deux jours le commissaire européen Pascal Lamy, des ministres
français et hollandais sont venus signifier aux Africains que du côté
des 25 ! la volonté politique était très forte. Bruxelles veut à
tout prix aide r les Africains producteurs de coton à faire face
aux difficultés du marché mondial, avec des prix en baisse de 2%
tous les ans depuis trente ans. Bruxelles veut aussi aider les
Africains à développer, à moderniser leurs filières coton, à
mettre sur pied des concertations régionales pour être plus forts
face au commerce international. Tout cela est résumé dans un plan
d’action dont les résultats seront évalués tous les six mois.
Cette irruption européenne dans le dossier coton est assurément
un fait politique majeur pour les Africains. Initiée par la France
après le choc du sommet de Cancun où les Africains avaient réussi
le tour de force d’imposer leur problème cotonnier, cette évolution
devrait, si on en croit les Européens, aider à résoudre
quelques-unes des questions qui se posent du Burkina Faso au Tchad,
du Mali au Bénin en passant par le Cameroun ou l’Ouganda. Mais
les Africains, aux prises avec un marché mondial qui chute, avec
des paysans dont le niveau de vie est des plus faibles veulent plus
encore. Ils veulent de l’argent et tout de suite. Les Européens
se disent prêts à décaisser des sommes importantes. « Le
problème, dit un observateur averti, c’est que les Européens
qui sont là sont plein de bonne volonté. Mais ils n’ont aucun
pouvoir. »
Jean-Pierre
Boris
P-S
de abcburkina : Au Burkina Faso, les producteurs de coton sont
aussi de grands producteurs de maïs. En 2003 le Burkina Faso a
récolté un million de tonnes d'excédent de céréales. Le maïs
s'est donc mal vendu (beaucoup ont encore des stocks importants
invendus). Comme le prix du coton (coton-graine, payé au
producteur) , pour la prochaine récolte, a été fixé à
210 F CFA (au lieu des 185 F CFA pour la
dernière récolte), il faut donc s'attendre à une nouvelle
production record. Mais cette production risque fort d'être vendue
à perte sur le marché mondial ! Il est donc urgent de trouver
une solution durable à cette situation due à la chute des cours du
coton sur le marché mondial.
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