a b c B u r k i n a


  L’ingratitude

La famine régnait alors dans tout le pays. Un homme sort de chez lui, pour aller se promener en brousse. Il arrive au bord d’un vieux puits. Il se penche pour voir s’il y avait de l’eau, et il découvre, au fond du puits, un homme entouré d’un lion, d’un singe et d’un serpent. Il décide de les sortir de là.

Il part chercher de longues lianes. Il attache une extrémité des lianes à une grosse branche située près du puits, et il jette l’autre extrémité dans le puits. Le singe se précipite et sort le premier du puits. Il est bientôt suivi du lion, puis du serpent. Il ne reste plus que l’homme à tirer d’affaire. Les animaux sortis du puits conseillent alors notre promeneur :

« Attention, surtout ne laisse pas cet homme sortir du puits ! »

Mais notre homme réplique : « Comment çà ? Je vous ai aidés à sortir, et j’abandonnerai mon semblable au fond de ce puits ! ». Et il aide l’homme à sortir du puits. Tous remercient notre promeneur, et lui promettent qu’ils n’oublieront jamais ce qu’il a fait pour eux.

Quelques jours plus tard, la famine sévissait toujours. Notre homme décide d’aller à nouveau en brousse, en quête de fruits sauvages. Il rencontre le singe qui lui demande : « N’est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits, l’autre jour ? ». L’homme lui répondit : « C’est bien moi ! ». Alors le singe lui rappelle qu’il lui avait promis de l’aider quand l’occasion se présenterait. Puis il invite notre homme à s’asseoir. Le singe appelle alors ses congénères qui arrivent nombreux. Il leur dit :

« Cet homme m’a sauvé la vie. Allez chercher les fruits du néré, et apportez-moi tout ce que vous aurez trouvé. ». Ils partirent aussitôt. Ils apportèrent une telle quantité de gousses de néré, que notre homme n’a pas réussi à emporter le tout à la maison.

Quelques jours plus tard, notre homme sort de chez lui, pour parcourir la brousse à la recherche de nourriture. Il croise le lion qui lui demande :

« N’est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits, l’autre jour ? ». L’homme lui répond : « C’est bien moi ! ». Alors le lion se met à rugir longuement, et une foule d’animaux sauvages se rassemble. Le lion leur dit : « Écoutez bien ma parole. C’est un ordre que je vous donne. Retournez en brousse, et rapportez moi sans tarder du gibier. »

Peu de temps après, les animaux sauvages reviennent avec quantité de gibier. Et voici notre homme, tout heureux, qui retourne à la maison ployant sous le poids du gibier.

Bientôt, il entend parler de l’homme qu’il avait sauvé. Ce dernier s’était mis au service d’un homme riche et puissant. Comme la famine sévissait toujours, il se dit qu’il va aller le trouver pour lui demander son aide.

Il arrive dans le village de cet homme riche et puissant au moment où la fête battait son plein. Il croise l’homme qu’il avait sauver du puits. Mais le regard haineux de celui-ci en dit long sur ses intentions ! Cet homme connaissait bien le chef du village. Il va le trouver pour lui dire : « Prends garde à toi. Un étranger vient d’entrer dans ton village. C’est un homme mauvais. Chaque fois qu’il entre dans un village, ce n’est que malheurs et destructions pour tous les villageois. Le seul remède : Il faut l’attraper, le ligoter et l’abandonner sur une haute colline. Trois jours après il faudra l’égorger et faire une fête en l’honneur des esprits du village pour écarter le malheur. »

Le roi suit aussitôt ces conseils. Et notre homme se retrouve sur la colline qui domine le village, sous un soleil brûlant. Il ne peut pas bouger. Les cordes avec lesquelles il a été ligoté le font souffrir, et le blessent cruellement. Parfois il gémit, parfois il hurle de souffrances. Un serpent passait par là. Il entend notre homme et s’approche : « N’est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits, l’autre jour ? ». L’homme lui répondit : « C’est bien moi ! ». 

Le serpent reprend : « Je vais te donner un remède, une feuille magique. A l’aide de cette feuille, tu iras ressusciter le fils du chef de village que je vais aller mordre mortellement tout de suite. Toi, pour l’instant, n’arrête pas de crier ceci : ‘ Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S’il mord l’un d’entre nous, notre médicament le protégera ou le ressuscitera. » 

Et le serpent entre au village. Il n’a pas de mal à trouver le fils du chef qu’il mort à la jambe, et bientôt notre homme entend les pleurs et les cris qui montent jusqu’à lui depuis la cour du chef. Au même moment, une vielle femme passe devant lui : elle rentre de la brousse avec son fagot de bois sur la tête. Elle entend notre homme qui crie : « Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S’il mord l’un d’entre nous, notre médicament le protégera ou le ressuscitera ». 

Quand elle a déposé son fardeau, on lui annonce la mort du fils du village, mordu par un serpent. Elle va trouver le chef et lui rapporte les cris de notre homme ligoté et abandonné sur la colline : « Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S’il mord l’un d’entre nous, notre médicament le protégera ou le ressuscitera. »

Le chef ordonne alors d’aller détacher notre homme, de lui donner à boire, et de le conduire auprès de son fils. Bientôt notre homme se trouve auprès de l’enfant du chef, étendu sur une natte, sans vie. Il pose la feuille que le serpent lui a donné sur la tête de l’enfant. Celui-ci commence par éternuer, puis il se relève comme s’il sortait d’un profond sommeil. 

Le chef se tourne alors vers notre homme pour le remercier, et lui promet de lui offrir tout ce qu’il demandera. Celui-ci, réclame alors la cervelle de celui qui a menti sur son compte. Ce dernier se trouvait alors auprès du chef. Celui-ci ordonne aussitôt de le saisir et de le mettre à mort, pour en donner la cervelle à notre homme. Ce qui fut fait sur le champ.

Conte en boore (apparenté au bwamu) - région de Bomborokuy - Zékuy : Nord-Ouest du Burkina Faso.


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