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 Au Sourou, le piège de la SOPROFA se referme sur les producteurs de riz.

Rappel :

La SOPROFA (Société pour la Promotion des Filières Agricoles) appartient au groupe Aiglon, qui a fourni 75 % du capital à sa création. Le reste, 25 %, soit 125 millions de F CFA a été apporté par l’Etat burkinabè. L’Etat a justifié cet apport en disant que c’était pour mieux défendre les intérêts des producteurs. Il est donc permis de s’interroger : « Comment l’Etat burkinabè défend-il les producteurs à travers la SOPROFA ?

 

Dans le quotidien « le Pays » du 18 juillet 2002, on peut lire une interview de M. Salif Diallo, Ministre de l’Agriculture.

M. Salif Diallo« Depuis l'année dernière, nous avons réfléchi à une nouvelle politique en matière de production agricole. Nous nous sommes dit que le blocage de notre agriculture est lié à l'absence de marché. C'est dans cette optique que SOPROFA a été créée pour lier notre agriculture au marché sous-régional et international. Notre ambition est donc de piloter la production agricole à partir de l'aval, c'est-à-dire à partir des opportunités qu'offre le marché. C'est ainsi que nous développons la politique des filières. »

 

Le Pays :Quel type de relation votre ministère entretient-il avec la SOPROFA ?

 « La SOPROFA est une société où l'Etat est actionnaire à hauteur de 25%. Notre optique, c'est de veiller, premièrement, à ce que les prix d'achat au producteur soient des prix justes, rémunérateurs et qu'on ne pille pas les paysans. »

 

Dans « Le Pays » du 6 août 2002, M. Salif Diallo s’exprime à nouveau, en ces termes :

« Il convient de souligner que l’arrêt du financement de la collecte du paddy par la CGP (via la SONACOR) a entraîné d’énormes difficultés au niveau des producteurs qui, n’arrivant pas à écouler leur production de paddy, se retrouvaient avec des impayés auprès des banques et des fournisseurs d’intrants agricoles (engrais et pesticides). Il a fallu la reprise récente de la SONACOR par la SOPROFA pour que ces contraintes commencent à trouver des solutions. »
(Fin de citation de M. Salif Diallo)

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il y a peut-être des paysans satisfaits de leurs relations avec la SOPROFA. Je n’en connais pas. Par contre, j’en connais un bon nombre répartis à travers tout le pays qui sont déçus.

Les producteurs de riz de la Coopérative Cani (appelée aussi « des 500 hectares ») font partie de ces derniers. Il y a de quoi ! Jugez-en par vous-mêmes.

 

Cette coopérative a déjà vendu son riz à de nombreux commerçant. Ces derniers venaient voir la qualité du riz disponible, ils proposaient un prix, et quand les deux parties tombaient d’accord, le commerçant venait enlever la quantité désirée et réglait le prix convenu.

 

La SOPROFA, qui a vocation, d’après le Ministre de l’Agriculture, à défendre les paysans, a procédé autrement. Elle a proposé à la Coopérative, un contrat en bonne et due forme. Le prix du riz paddy est fixé à 90 F le kilo (alors que d’après les études du CNRST, au Sourou les coûts de production d’un kilo de riz paddy s’élèvent à 85 F CFA, non compris ce que dépense ce producteur pour se nourrir…).

Comme le dit très bien M. Salif Diallo, aujourd’hui les producteurs de riz burkinabè sont confrontés à de graves problèmes de trésorerie. Il leur faut vendre rapidement leur récolte, pour pouvoir payer les intrants pour la saison de culture suivante. Et comme dans les périmètres irrigués, comme au Sourou, les producteurs font deux saisons par an, il leur faut faire vite. C’est pour cela que les producteurs de riz de la coopératives Cani ont accepté de vendre leur riz à 90 F le kilo, alors qu’ils en espéraient 100 F par kilo.

A rapprocher de ce que disait M. Salif Diallo, le 18 juillet 2002 :  « La SOPROFA est une société où l'Etat est actionnaire à hauteur de 25%. Notre optique, c'est de veiller, premièrement, à ce que les prix d'achat au producteur soient des prix justes, rémunérateurs et qu'on ne pille pas les paysans. ».

Ce n’est pas tout. Le contrat stipule également que le riz ne doit pas avoir plus de 14 % d’humidité. Les membres du bureau n’ont pas les moyens de calculer ce taux d’humidité ; ils n’ont pas saisie la portée de cet article. La SOPROFA s’est bien gardée d’éclaircir les producteurs sur cette close.

Début juillet la SOPROFA vient enlever 613 tonnes de riz à cette coopérative. La SOPROFA semble satisfaite de la qualité du riz. Il n’est fait aucun contrôle du taux d’humidité. Au lieu de verser immédiatement les 55 millions dus, la SOPROFA a remis à la coopérative un chèque de 40 millions à faire valoir à la BIB de Tougan à la fin juillet. Le reste devant suivre peu après.

Le 31 juillet, il n’y avait rien pour la Coopérative Cani à la BIB de Tougan. Le 5 août au siège de la SOPROFA à Ouagadougou, il a été demandé aux membres du bureau de la coopérative de patienter (alors que la nouvelle saison de culture est commencée). Il leur a été signalé que leur riz ne respectait pas le contrat. Que le taux d’humidité y était trop important (de l’ordre de 16 %). Que cela a empêché la SOPROFA de commercialiser ce riz, et donc de recouvrer l’argent nécessaire pour les payer. En attendant, on leur a promis de verser tout de suite 25 millions pour eux à la BIB de Tougan. Quand ils arrivent à Tougan, il n’y avait que 15 millions. Ce qui ne couvre même pas les dettes contractées par la coopérative pour ne pas compromettre la saison actuelle.

Face à cette situation, la Coopérative a demandé que leur riz leur soit rendu. Cela n’a pas été accepté.

Depuis lors, à la date du 1° septembre, les producteurs de riz ne savent toujours pas quand ils toucheront les 40 millions qui leur sont dus, et dont ils ont un besoin urgent pour sauver leur saison de culture.

Les producteurs de riz du Sourou n’ont toujours pas aperçu le début de « solution » dont parle M. Salif Diallo. Ils ont le sentiment que la SOPROFA se moque d’eux.

Et le contribuable peut se demander pourquoi l’Etat burkinabè a-t-il investi 125 millions dans une société qui manque de transparence, et qui enfonce un peu plus les producteurs dans la misère ?

 

Maurice Oudet
Koudougou le 1° septembre

Paru dans le quotidien burkinabè le Pays du 17 septembre,
en même temps que l'article de Jules Ouédraogo sur le groupe Aiglon

 
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