« Aucune communauté ne peut être responsable de ce que fait un de ses membres...
Il n'y a pas de responsabilité collective en droit burkinabè »
Suite à l'affrontement entre communautés peule et bissa, qui a fait 7 morts, le bimensuel burkinabè « L'Evénement » du 10 janvier 2013 publie un important dossier « Que faire des peulhs ? ». Ce dossier permet de mieux comprendre ce qui s'est passé le 31 décembre au secteur 7 de Zabré. Ce dossier rend compte également de la position du gouvernement : « ce ne sera plus l'impunité contre le pardon ». Le gouvernement burkinabè est-il enfin décidé à s'investir en faveur d'un règlement pacifique « de la question peule ».
C'est ce que laisse espérer « L'Evénement » quand il écrit : « Le drame de Zabré semble, par les premiers mots des autorités compétentes, montrer que la prise de conscience se fait jour. Pour la première fois et publiquement, un ministre de la République a reconnu que « les violences étaient dirigées contre une communauté. Que dans le droit burkinabè la responsabilité collective n'existait pas. Qu'une communauté ne pouvait pas être tenue pour responsable des faits d'un de ses membres ». Enfin, on y est. »
Nous invitons nos lecteurs burkinabè à se procurer ce dossier et à le lire en son entier. Il pose de bonnes questions. Nous vous proposons, ici, un de ses encadrés : « Ce qui divise peulh et bissa à Zabré. L'analyse est intéressante et pertinente. Mais surtout, je suis convaincu que si l'on faisait une telle analyse là où des conflits ont éclatés entre éleveurs et agriculteurs, on trouverait de nombreuses ressemblances. Voici donc le contenu de cet encadré.
Ce qui divise peulh et bissa à Zabré
La cohabitation entre communauté peulh et bissa était devenue difficile ces derniers temps. La recrudescence des vols de bétail est l'une des principales causes. Les Bissas accusent régulièrement les peulhs d'être à l'origine de ces vols. Les forces de sécurité, en effectif très limité, n'arrivent pas à endiguer le phénomène des vols dans la région. Les multiples interpellations de Sambo et ses libérations ont fini par convaincre les Bissas qu'il ne sert plus à rien de convoquer Sambo devant la justice. Il a toujours réussi à s'en sortir.
« C'est le sentiment d'impunité qui a provoqué tout ce que nous vivons aujourd'hui. Les gens ont l'impression que la justice est toujours du côté de ceux qui ont les moyens. » explique une autorité locale. L'impunité, la communauté peulh aussi la ressent.
« On a tué des peulh ici gratuitement et les coupables se sont retrouvés dehors quelques temps après. On nous accuse, à tort, de vol, on nous ligote, on nous frappe et personne ne réagit. C'est comme si nous sommes des sous-hommes ici. Même quand on attrape un peulh dans un village il demande généralement que l'affaire aille au commissariat, mais ils refusent » explique un leader peulh.
Ce dernier a une autre lecture de la mauvaise cohabitation entre peulh et bissa ces dernières années. Il y voit un lien avec l'évolution sociale de la communauté peulh de la zone.
« Avant, nos parents étaient là pour garder les bœufs des Bissas. Aujourd'hui, nous ne gardons plus leurs bœufs ; chacun a ses animaux. C'est notre domaine et ça nous réussit. Dans le domaine de l'agriculture également, nous sommes devenus de grands agriculteurs. Nous avons les bonnes terres avec nos animaux qui enrichissent nos champs. Tout cela, naturellement, fait des jaloux et nous en sommes conscients. Cette année, j'ai eu 150 sacs de maïs. Ma famille ne consomme qu'une infime partie. Chaque année, je vends le reste et j'achète des animaux. »
Mais cette année, G Z ne pourra pas agrandir son troupeau. Tous les 150 sacs de maïs sont partie en fumée avec la folie humaine. Pour lui, la vrai raison, c'est leur émancipation. « Pourquoi ont-ils brûlé les récoltes des peulhs ? Ils savent que la récolte a été très bonne pour nous », précise G Z. « Vous pouvez vérifier ce que je vous dis : la plupart des Peulhs qui continuent de garder les bœufs des Bissas et qui ne peuvent même pas avoir leur propre poulet, ni un sac de maïs n'ont pas été inquiété. » De « bons Peulhs » ont été épargnés dans certains villages. A Gassougou, D M et D T y sont toujours installés avec leurs familles sans être inquiétés. (Signé : Moussa Zongo).
Page 9, le bimensuel « L'Evénement » se demande comment régler le problème peulh, ce que nous avons appelé « la question peule » ? (Voir les lettres 450 et 451 : Après la question touareg, c'est la question peule qui va s'inviter dans la région ! ) Trois mesures sont proposées et détaillées. Les voici, en bref.
La première, c'est reconnaître officiellement qu'il y a un problème peulh au Burkina Faso.
La seconde : il ne faut jamais accepter et justifier un meurtre ?
La troisième : Il faut régler sérieusement la question foncière.
Oui, il est urgent de répondre efficacement et équitablement à la « question peule ».
Koudougou, le 15 janvier 2013
Maurice Oudet
Président du SEDELAN