Quelques réflexions sur ces récoltes records !
Il y a quelques jours, le 9 mars 2011, le Ministre de l'agriculture du Burkina, M. Laurent Sedgo, a animé un point de presse sur la dernière campagne agricole. De son exposé il ressort un bilan global satisfaisant au niveau national avec une production excédentaire de plus de 1 million de tonne pour ce qui concerne les céréales.
Ainsi, la production céréalière nationale définitive est évaluée à 4 560 574 tonnes. En hausse de 27% par rapport à la moyenne des 5 dernières années.
Intéressons-nous plus spécialement au mil (c'est-à-dire au petit mil ou millet), au sorgho (appelé aussi gros mil), au maïs et au riz.
Nous avons le tableau suivant :
Céréales |
Tonnes |
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Mil |
1 147 894 |
Sorgho |
1 990 227 |
Maïs |
1 133 480 |
Riz |
270 658 |
Toutes ces productions sont en hausse par rapport à l'année dernière et par rapport aux cinq dernières années. Mais il est possible de pousser l'analyse plus loin, et notamment de comparer l'augmentation de la production de ces diverses céréales avec celle de la population.
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Pour le petit mil, on peut dire que la récolte de cette dernière campagne est bonne ; mais elle reste inférieure à celles des années 2003, 2005, 2006 et 2008. Le record étant de 1 255 189 tonnes, en 2008. En 1 998, la production de petit mil était déjà de 972 768 tonnes (également une récolte record à cette date). Nous avons donc une croissance de la production de petit mil, légèrement inférieure à celle de la population qui est de 3,1% pour cette période.
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Pour le sorgho, avec 1 990 227 tonnes, nous avons là un record absolu. Mais qui correspond à peu de chose près à l'évolution de la population. En mars, la population du Burkina a atteint les 16 millions d'habitants !
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Pour le maïs, avec une production de 1 133 480 tonnes, nous avons là également un record absolu. Mais cela n'a rien d'étonnant ! La production du maïs est en croissance rapide au Burkina. C'est le 20ème record depuis 1984. Ce qu'il faut retenir, c'est que la croissance du maïs est deux fois plus rapide que celle de la population. Dans la moitié sud du Burkina, de plus en plus de paysans se tournent vers le maïs dont le rendement dépasse très souvent les deux tonnes à l'hectare, et parfois les 5 tonnes à l'hectare.
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Enfin, nous pouvons aussi nous réjouir de la production record du riz de cette campagne : 270 658 tonnes. Il s'agit là, du riz irrigué (avec deux récoltes par an) et du riz pluvial (donc une récolte, en novembre-décembre). L'évolution de la production de riz irrigué est fortement tributaire de la politique nationale. Je n'ai malheureusement pas les statistique du seul riz irrigué. Mais on peut noter qu'en 1996, la production totale de riz (donc irrigué et pluvial) était déjà de 111 807 tonnes. Mais cette année a vu la privatisation de la SONACOR (Société Nationale de Commercialisation du Riz) qui achetait le riz aux producteurs à un prix rémunérateur dès la fin de la récolte. Ce qui permettait aux producteurs des plaines irrigués de préparer sans tarder la deuxième culture. Avec la suppression de la SONACOR et l'importation massive de vieux riz asiatiques (parfois de dix ans d'âge) à prix cassé, les producteurs des plaines irrigués ont vu leurs revenus s'effondrer. Beaucoup ont abandonné (jusqu'à aujourd'hui) la production de riz pour se tourner vers le maraichage. La production nationale de riz s'est effondré également. Parfois fortement, comme en l'an 2000 (66 395 tonnes) et 2007 (68 916).
Il a fallu la crise alimentaire de 2007-2008 pour que le gouvernement et les commerçants s'intéressent enfin à la production locale. En 2004, les commerçants proposaient 85 FCFA pour un kilo de riz paddy ! Aujourd'hui ils en proposent au moins 150FCFA ! Parfois 170 FCFA ! Le double. Aussi, depuis 2008, la production de riz s'accroît de 12% par an. Deux fois plus vite que la population urbaine. Si le marché mondial ne s'effondre pas et si le gouvernement continue d'appuyer la production du riz (irrigué et pluvial), on peut penser que cette croissance au taux de 12% se poursuivra.
Si la CEDEAO (Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest) se décide enfin à taxer le riz à 35% à l'importation, cette croissance pourrait être encore plus forte, et en quelques années le Burkina et l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest pourrait être auto-suffisant en riz.Notons également que la production du niébé (haricot du Sahel) est de 626 113 tonnes soit une hausse de 38% par rapport à l’année dernière, et en hausse de 92% par rapport à la moyenne quinquennale.
Qui a dit que les entreprises familiales agricoles du Burkina ne sont pas capables de nourrir le pays ?
Ces bons résultats ont été rendus possibles grâce à une pluviométrie favorable. Mais aussi à des prix plus favorables aux paysans qu'il y a quelques années. A titre d'exemple, à l’heure actuelle, le sac de 100 kg de maïs se négocie à 15 000 F. En décembre déjà, il était à 12 000 F sur une grande partie du territoire.
Il est temps que les populations urbaines et le gouvernement se rendent compte que le choix de « nourrir la ville au moindre coût » ne peut remplacer une véritable politique économique, encore moins une politique agricole et alimentaire, surtout dans un pays dont la population est composée à 80% de paysans.
Paris, le 30 mars 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN