« Des recettes modernes pour nos plats traditionnels »
C’est la deuxième fois que je visite la FIARA de Dakar (Foire Internationale de l’Agriculture et des Ressources Animales). Autant la première fois (il y a 5 ans, je crois) j’avais été déçu, autant cette fois, j’ai trouvé quelques petites avancées significatives sur le chemin de la Souveraineté alimentaire.
D’abord, comme au Forum, il faut noter que la quasi-totalité des exposants se situaient dans cette perspective : avancer sur le chemin de la Souveraineté alimentaire. C’est dans cette perspective que se présentait le stand de l’A.O.P.P. du Mali (Associations des Organisations Professionnelles Paysannes). A côté, le stand de l’Afrique Verte du Mali proclamait « Les sahéliens peuvent nourrir le Sahel ».
En effet, pour travailler en faveur de la reconnaissance de la Souveraineté alimentaire, il faut d’abord être convaincu que les agriculteurs et les éleveurs de son pays sont capables de fournir assez de nourriture pour l’ensemble de la population. C’est une question qui m’a été souvent posée : « pensez-vous que les paysans burkinabè sont capables de nourrir l’ensemble du pays ? » A cette question, j’ai l’habitude de répondre : « Certainement ! Ils le font déjà assez bien dans un contexte national (pas de politique agricole et alimentaire) et international (aucune protection douanière) défavorables. Avec un minimum de protection et une bonne politique, en quelques années le Burkina sera un exportateur net de produits agricoles et de denrées alimentaires. Si maintenant, on se place à la bonne échelle (la CEDEAO), alors, il faut aller plus loin : L’Afrique de l’Ouest peut devenir une grande puissance agricole et alimentaire au niveau mondial. Elle a tout ce qu’il faut pour cela : les terres, l’eau, le soleil et les hommes et les femmes qui travaillent la terre. Il lui manque seulement une bonne politique, et un niveau de protection suffisant !
J’ai bien apprécié le slogan des transformatrices de céréales du Mali (Afrique Verte) « Des recettes modernes, pour des plats traditionnels » (je l’ai retouché un tout petit peu, pour qu’il puisse s’appliquer à d’autres pays comme le Niger ou le Burkina). Il est très important, surtout pour les jeunes, de donner une couleur moderne aux plats ou produits traditionnels. Sinon, les jeunes, qui ne voient à la télévision nationale que des publicités de produits alimentaires importés, vont se détourner des plats traditionnels. Déjà, de Dakar à N’Djamena, ils ont prit l’habitude d’appeler le tô (pâte de mil accompagnée d’une sauce) « Afrique en danger ». Il est temps que les télévisions nationales, qui se prétendent être un service public, s’intéressent davantage aux produits locaux et en fassent également la promotion.
J’ai été également très intéressé par le stand de l’ITA (Institut de Technologie alimentaire) qui travaille pour la valorisation des produits locaux, et qui a créé une centrale d’achat pour les emballages alimentaires. D’après un membre de l’ITA, cette centrale d’achat permet aux petites entreprises artisanales de transformation de produits alimentaires d’obtenir des emballages à un prix réduit d’environ 50 %. Cela, en regroupant les achats et aussi grâce à une subvention. En visitant ce stand, et en pensant aux prix élevés des emballages alimentaires au Burkina, je m’interrogeais : « Qu’attendent les autorités burkinabè pour mettre en place une telle structure ? »
Cette 12ème édition de la FIARA était assez pauvre en « ressources animales », cependant il était possible d’y admirer une autruche, des lapins, des oies… et de jolis moutons, comme ce magnifique mouton « laadoum ».
Pour finir, sachez que cette FIARA a été marquée par des essais de fabrication de pain incorporant des céréales locales (jusqu’à 40 %) à la farine de blé. Des essais réussis, qui s’ils étaient repris par l’ensemble des boulangers sénégalais, puis Ouest-africains, permettraient de faire un grand pas vers la souveraineté alimentaire et de précieuses économies en devises ! Nous y reviendrons.
Koudougou, le 19 février
Maurice Oudet
Président du SEDELAN