Les boulangers camerounais veulent « décoloniser » le pain
Avec le développement des villes, et les habitudes alimentaires qui changent, les importations de blé pèsent chaque année plus lourd dans la balance commerciale du Burkina Faso. Il en est de même au Cameroun, avec cette différence que le gouvernement et les boulangers camerounais commencent à s’en inquiter. Ils cherchent des solutions. Mieux, ils en trouvent.
Le pain et les pâtes alimentaires étaient très peu consommé en Afrique de l’Ouest au moment des indépendances, il y a 50 ans. Aujourd’hui, au Burkina comme bien d’autres pays africains, le jour du marché, on peut trouver du pain dans le plus petit village. En ville, il fait partie de la nourriture quotidienne. Les pâtes alimentaires sont également très appréciées. En 2008, le Burkina Faso, a importé pour 20 milliards de FCFA de blé, de farine de blé ou de pâtes alimentaires. Au Cameroun, en 2009, la facture s’est élevée à 100 milliards de FCFA.
C’est pourquoi le Ministère du Commerce a invité les boulangers à introduire des matières premières locales dans la fabrication du pain. Les boulangers camerounais sont maintenant prêt à le faire, dans la mesure des ressources locales.
« La voix du Paysan, mensuel d’information camerounais du monde rural » a interrogé Jean Claude Yiepmou Kapwa, le président national du syndicat patronal des boulangers du Cameroun à ce sujet. Il indique que les denrées susceptibles d’être utilisées dans la fabrication du pain « sont la patate douce, le manioc, le maïs, le sorgho, le plantain, les ignames etc. Leur farine, apprend-on, peut remplacer, dans une certaine proportion, celle du blé. Des études menées par ce syndicat révèlent par exemple que la patate douce peut, dans la fabrication du pain, remplacer le blé à 80%, le manioc à 10%, le maïs entre 5 et 10%. Yiepmou Kapwa affirme que le pain «français », c’est-à-dire à base de blé, n’est prisé que pour sa croûte dorée et sa mie blanche.
Mais en matière de goût, il n’égale pas le pain « Koumba », fait à base de la patate douce. En plus, le processus de fabrication de ce pain local est moins compliqué, souligne-t-il. »
Fin juillet, l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), dont le président est Bernard Njonga, organisait une journée de dégustation de mets fabriqués à base de produits locaux. Le pain fabriqué avec de la farine de patate douce y était en bonne place. Il a été bien apprécié. « “Ce pain fait avec de la farine locale est très bon. Il n’a rien à envier au pain 100% blé. Je le dis parce que je suis un grand consommateur de pain, donc je sais de quoi je parle. Il est bien croustillant et pour moi, c’est un bon élément pour juger de la qualité du pain. » témoigne un journaliste présent.
« J’ai dégusté le cake. On m’a dit qu’il est constitué à 40% de farine de patate et j’avoue que le goût est exquis. De part la consistance et le goût, il est très bon. » dit un autre consommateur.
Personnellement, c’est la première fois que je lis qu’il existe une denrée courante en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest, dont la farine peut remplacer à un tel taux (80 %) la farine de blé dans la fabrication du pain. Si cela est confirmé, nous avons là une piste pour faire reculer la dépendance alimentaire du continent africain. Ce serait une très bonne nouvelle. J’espère que les camerounais nous présenterons ce pain à Dakar, pendant le Forum Social Mondial de Février 2011 (du 6 au 11 février).
Koudougou, le 3 janvier 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN