"Les petits producteurs ont été exclus de cette conférence
et restent marginalisés alors qu'ils font partie de la solution."

Déjà en 1996, au sommet mondial de l'alimentation, les paysans étaient dans la rue. A ce premier sommet mondial, ils n'ont la parole que pendant 4 mn (sur les 5 jours qu'a duré le sommet). Quand donc les paysans, qui nourrissent le monde, seront-ils entendu ? Quand seront-ils admis - de droit - à la FAO ?

Les petits producteurs sont repartis de Rome en colère et déçus des résultats du sommet de la FAO sur la crise alimentaire, estimant avoir été "marginalisés" et "exclus" des débats comme des décisions qui ne peuvent que les envoyer "droit dans le mur".

Une centaine de représentants d'ONG, d'organisations de pêcheurs et d'agriculteurs ainsi que de représentants de la société civile et des populations indigènes avaient organisé, en marge du sommet de la FAO sur la crise alimentaire, une conférence parallèle de quatre jours baptisée "Terra Preta" (terre noire en portugais).

Ayant eu connaissance du projet de déclaration finale des 193 pays membres de la FAO - qui devait être présentée à la presse jeudi en fin de journée - les organisateurs de ce sommet parallèle ont fait état de leur colère et de leur déception de ne pas avoir été "écoutés".

"Les petits producteurs ont été exclus de cette conférence et restent marginalisés alors qu'ils font partie de la solution. Si on continue sur ce modèle on ira droit dans le mur", a critiqué Flavio Valente, un responsable de la FIAN, ONG internationale de lutte contre la faim.
"Nos demandes pour plus de protection, plus de soutien pour les petites productions, des réformes agraires et des mesures concrètes pour lutter contre la spéculation financière ont été totalement ignorées par les gouvernants. ", a renchéri Herman Kumura, du Forum mondial des peuples pêcheurs.

"Les politiques préconisées n'ont pas donné de bons résultats et il y a de plus en plus de gens affamés. Nous ne voulons pas que les mêmes erreurs soient reproduites en 2008", a déclaré Henry Saradigh, un des principaux responsables de La Via campesina, organisation internationale de mouvements paysans.

"La solution est de donner plus de pouvoir et de possibilités de décision aux petits exploitants, car ce sont eux qui peuvent nous sortir de la pauvreté. Il faut les laisser produire pour le marché local. Nous demandons à la FAO de revoir ses programmes d'alimentation et d'arrêter la libéralisation des marchés agricoles", a-t-il souligné.

Dans leur liste de propositions, les organisateurs de ce sommet parallèle demandent notamment la mise en place d'une commission pour la "souveraineté" alimentaire, placée sous l'égide des Nations unies et qui serait constituée de représentants de gouvernements et d'organisations de pêcheurs et d'agriculteurs.

Ils réclament également la possibilité de "traduire en justice" tous ceux qui ont, selon eux, une responsabilité dans l'actuelle grave crise alimentaire.
Depuis deux mois, tous ceux qui s'expriment sur la crise alimentaire ne cessent de répèter : "On paye vingt années d'erreur".

Beaucoup conseillent d'investir dans l'agriculture. Mais qui va investir dans la production laitière sans l'assurance que le lait en poudre ne retrouvera pas dans quelques mois les prix antérieurs ? Qui va investir dans la production de concentré de tomate tant que l'état ne taxera pas à l'importation le concentré de tomate chinois, mis en boite en Italie, et omniprésent dans toute l'Afrique de l'Ouest ?

Que manque-t-il à cette crise alimentaire et aux émeutes de la faim pour que les paysans soient entendus et qu'un réel changement (dans le sens de la souveraineté alimentaire) soit amorcé ?
Paris le 6 juin 2008
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
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