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Une étrange rencontre !
Pendant notre séjour en Thaïlande, à différentes reprises, nous avons pu constater que le riz thaïlandais était vendu plus cher dans les boutiques d'alimentation générale de Thaïlande que le riz thaïlandais vendu en sacs de 25 kg dans les boutiques du Burkina Faso, du Mali ou du Ghana. Pendant tout notre séjour, nous nous sommes demandé « Comment cela est-il possible ? »

Nous n’avons pas trouvé de réponse auprès des paysans.

Cependant, la veille de notre départ, le mardi 4 décembre, notre groupe a eu l'occasion de rencontrer le responsable du Département du Commerce extérieur, au Ministère du Commerce : le premier responsable de l'exportation du riz en Thaïlande.  Nous espérions bien que cette rencontre allait nous fournir une réponse satisfaisante à notre question.

Première surprise : au lieu de répondre à notre question, ce haut responsable nous a expliqué longuement pourquoi le prix du riz thaïlandais était élevé à l’importation (stocks en diminution, transports maritimes en augmentation), et pourquoi cela ne pouvait qu’augmenter dans les mois et les années qui viennent.

Nous ne l’avons pas contredit. Seulement, nous lui avons fait remarquer avec insistance que s’il y avait sur les marchés ouest-africains du riz thaïlandais de qualité qui était, effectivement, vendu à un prix élevé (environ un euro le kg à Ouagadougou, alors que le riz burkinabè est commercialisé à moins de 50 centimes d’euro le kg), ce riz ne faisait pas de mal aux producteurs de riz africains : il était importé en très petite quantité, et inconnu de l’essentiel de la population. Seules quelques familles aisées en consommait. A plusieurs reprises nous lui avons dit que du riz thaïlandais de moins bonne qualité (pour ne pas dire de mauvaise qualité !) était importé massivement en Afrique de l’Ouest. Il était vendu au détail sur les marchés entre 225 et 250 F CFA. Nous lui avons demandé d’où provenait ce riz, quel âge il pouvait avoir et comment il pouvait être vendu en Afrique moins cher que le riz que l’on trouve dans les boutiques de Bangkok.

Il n’a jamais voulu reconnaître l’existence d’un tel riz thaïlandais en Afrique. Selon lui, nous devrions savoir que le riz thaïlandais est le meilleur du monde ! Par conséquent, si nous trouvons du riz de mauvaise qualité dans des sacs indiquant qu’il s’agissait de riz thaïlandais, cela ne pouvait être que le fait de commerçants africains peu scrupuleux qui n’hésitaient pas à profiter de la renommée du riz thaïlandais pour écouler de vieux stocks de riz dans de tels sacs. Selon lui, ce riz ne pouvait venir de Thaïlande !

Une telle réponse ne pouvait nous satisfaire. Quelques commerçants véreux ne peuvent expliquer à eux seuls l’importation de millions de sacs de riz de 25 kg estampillés « riz thaïlandais » ! Aussi, nous l’avons harcelé de questions pour essayer d’en savoir plus. Au cours des échanges, sans faire de lien, il a seulement reconnu :

Il est alors facile de conclure : le gouvernement thaïlandais ne soutient pas l’exportation du riz de mauvaise qualité. Il laisse quelques compagnies douteuses vendre en Afrique, à vil prix, une partie des stocks de riz de mauvaise qualité : celle que les animaux thaïlandais veulent bien nous laisser ! Nous avons demandé à nos amis thaïlandais de l’ONG « local actions links » de vérifier cette conclusion. Nous attendons leur réponse prochainement.

De cette rencontre, nous pouvons également retenir l’échange suivant. Un membre de notre groupe, du Ghana, a voulu interpeller la conscience de ce haut responsable du commerce du riz en lui demandant : « Cela ne vous fait rien de savoir que ce riz en provenance de votre pays est en train de détruire l’économie du Ghana, et d’empêcher le développement de la filière riz à travers toute l’Afrique de l’Ouest ? » Cette question lui a paru insensée ! Il a commencé par dire qu’il ne comprenait pas la question. Puis il a ajouté : « Vous me demandez à moi, responsable de l’exportation du riz de mon pays, de venir au Ghana faire le travail que vos responsables politiques ne veulent pas faire ? C’est insensé ! »

De fait, nous pouvons aussi nous demander : « Quand est-ce que nos responsables politiques prendront leurs responsabilités ? Quand commenceront-ils à protéger leurs populations des méfaits des importations massives de produits alimentaires de mauvaise qualité ? »

Koudougou le 11 janvier 2008
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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