Burkina Faso : Atelier des organisations paysannes

Un plaidoyer pour la souveraineté alimentaire

Article de Paul-Miki Roamba, paru dans le quotidien burkinabè "Le pays" du mardi 19 juillet 2005.

La Confédération Paysanne du Faso (CFF) et le Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs de l'Afrique  de l'Ouest (ROPPA) ont tenu, du 12 au 15 juillet derniers, un atelier national de formation et d'information.

L'objectif visé était de donner aux leaders des organisations paysannes des rudiments d'information sur les enjeux des accords commerciaux internationaux de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et des enjeux de l'Accord de Partenariat Economique (APE) que l'Europe se prépare à signer avec la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest.

Cette session d'immersion des leaders d'organisations paysannes burkinabè dans le monde des négociations commerciales internationales a permis, à l'issue des quatres jours de travaux, de donner aux participants le b.a.ba des accords commerciaux de l'OMC et des APE. Cela devrait permettre de développer en eux des aptitudes de concertation en vue des prochaines négociations du commerce international. Ils se sont également imprégnés des
politiques agricoles conçues par l'UEMOA (Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest) et la CEDEAO.

L'atelier est assorti d'un certain nombre de recommandations à soumettre à l'OMC et visant à atténuer les effets de ce qu'ils ont appelé les "tricheries de l'Union Européenne et des Etats-Unis dans les notifications à l'OMC".

Les participants à cette rencontre entendent ainsi plaider "en faveur de la souveraineté alimentaire", principalement dans les pays de l'espace CEDEAO. Ils ont, pour ce faire, dénoncé, entre autres, "l'absence de contrôle par l'OMC" qui autorise (de fait) l'Union Européenne et les Etats-Unis à "tricher massivement sur leurs subventions aux intrants, aux investissements et à l'exportation".

La conférence de presse qui a clôturé cette session a été l'occasion pour Mamadou Cissokho, président d'honneur du ROPPA, de faire le point de ce qu'il a appelé "le paradoxe dans la production agricole en Afrique".

Nonobstant la progression de 20 à 80% qu'a connue la production agricole dans les pays de l'espace CEDEAO entre 1990 et 2002, et malgré que l'agriculture occupe 65% des actifs, la situation alimentaire dans cet espace reste fortement tributaire des pays occidentaux. Et cela parce que les efforts dans l'exploitation agricole sont mis à rude épreuve par le commerce non équitable dont font l'objet les produits agricoles d'exportations de ces pays.

A partir des statistiques de la FAO, Mamadou Cissokho du ROPPA en est arrivé à la conclusion que l'agriculture des pays d'Afrique souffre par ailleurs de la sous-exploitation des potentialités disponibles. En effet, sur les 500 millions d'hectares propres à l'exploitation agricole, seulement 57 millions d'hectares sont effectivement exploités. Peut-être cela s'explique-t-il par le fait que cette exploitation est encore faites avec des outils rudimentaires, d'où la nécessité, selon M. Cissokho, d'adopter des stratégies visant le développement global de l'agriculture en Afrique.

 

Le président de la Confédération Paysanne du Faso (CPF), François Traoré, a indiqué que son institution, de même que le ROPPA, agissent au nom de toute la masse des agriculteurs et ce, dans l'optique de leur offrir des conditions favorables pour l'exercice de leur sacerdoce qui consiste à nourrir tout le monde.

Pour François Traoré, les producteurs agricoles burkinabè ont le devoir et les moyens naturels de nourrir toute la population. Il ne leur manque plus que l'adhésion de la société civile et des consommateurs à cette cause. Ceux-ci pourraient ainsi formuler des propositions aux décideurs dans le sens de la redynamisation du secteur agricole (et de la souveraineté alimentaire).

Article de Paul-Miki Roamba, paru dans le quotidien burkinabè "Le pays" du mardi 19 juillet 2005.

A cela, je voudrais ajouter que les leaders paysans et leurs organisations ont salué la nouvelle politique agricole de la CEDEAO, nommée ECOWAP. Ils ont été unanimes pour reconnaître que cette toute nouvelle politique agricole (signée par les Chefs d'Etats de la CEDEAO le 19 janvier 2005 à Accra) constitue un pas décisif dans la bonne direction. En effet cette politique agricole se situe résolument dans la perspective de la souveraineté alimentaire. Il est donc reconnu qu'il appartient aux agriculteurs et aux éleveurs de la CEDEAO de nourrir les populations urbaines de leurs pays. Les productions locales sont donc appelées à remplacer progressivement l'essentiel des importations alimentaires. Cependant, les producteurs de la CEDEAO craignent que le Tarif Extérieur Commun (TEC) de l'UEMOA soit étendu à la CEDEAO. Or ce TEC, par trop libéral, "n'assure pas une protection suffisante de nos marchés".

Les participants ont noté que l'Etat donne plus souvent la priorité à sa survie qu'à la défense des intérêts de sa population. Selon le président de la CPF, François Traoré, "La dépendance de nos pays aux financements extérieurs ne facilite pas la négociation avec les institutions comme la Banque mondiale, le FMI et l’OMC sur la base de nos préoccupations réelles et actuelles de développement". Il a également été noté qu'en privé les négociateurs africains sont d'accord avec les Organisations Paysannes pour dire que les APE ne sont pas bons (et même catastrophiques) pour nos pays, mais que pour s'assurer des sommes importantes mises à la dispositions de nos Etats dans le cadre du FED (Fonds Européen de Développement), les pays de la CEDEAO se préparent à signer un tel accord de libre-échange avec l'Europe.

Pour soutenir leurs propositions en faveur de la souveraineté alimentaire et pour rappeler au gouvernement son engagement de consacré 10% du budget de l'Etat à l'agriculture, les organisations paysannes ont pris des engagements tels que l’organisation d’une rencontre avec le président du Faso, l’organisation d’une marche nationale des producteurs du Burkina (début décembre, avant la rencontre ministérielle de l'OMC à Hong Kong) et la mise en place d’un mécanisme de suivi et de diffusion des informations sur les négociations internationales au
niveau de l'OMC et avec l'Europe dans le cadre d'un Accord de Partenariat Economique (APE).

Koudougou, le 25 juillet 2005
Maurice Oudet

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