Après le coton et le riz : le lait

Depuis bientôt deux ans, nous donnons ici des informations sur la situations des agriculteurs africains, spécialement burkinabè. Nous donnons des faits qui permettent de comprendre comment le commerce international pèse sur les paysans africains. Nous avons donné de nombreuses informations sur le coton et sur le riz. Aujourd'hui nous allons aborder la filière lait. Nous avons tardé à le faire car l'impact du lait importé (spécialement sous forme de lait en poudre) est moins apparent. En effet, l'importation massive de poudre de lait ne date pas d'hier. Elle est fort ancienne. Et par là, elle a empêché le développement de la filière lait. Comme rien n'a été construit (ou presque rien), il n'y a rien à détruire !

Pourtant plus de 10 % de la population du Burkina Faso est composée d'éleveurs : les peuls. Avec le développement des villes, on aurait pu assister au développement de la filière lait. Mais il n'en a rien été. Et cela pour différentes raisons, dont la principale est celle-ci : l'importation massive du lait en poudre et de nombreux sous-produit du lait : beurre, yaourts. Le lait en poudre, notamment, arrive ici à très bas prix. Il réduit à néant, les efforts des plus entreprenants. En voici deux exemples.

1.  Madame Gariko est propriétaire d’un petit troupeau de vaches (de race locale, qui au mieux donnent deux à quatre litres de lait par jour). Elle complète sa production de lait en achetant un peu de lait à ses voisines. Puis elle transforme ce lait en lait pasteurisé et en yaourt.

Seulement, elle subit de plein fouet la concurrence du lait en poudre importé. Le prix de revient d’un litre de lait reconstitué à partir de cette poudre de lait revient à environ 200 F CFA sur le marché de Ouagadougou, alors qu’un litre de lait frais local vaut près de 400 F CFA. C’est dire que la concurrence est rude et que Madame Gariko est obligée de réduire ses marges bénéficiaires pour pouvoir placer son lait ou ses yaourts dans quelques boutiques d’alimentation de Ouagadougou. Sans risque de se tromper, on peut dire que cette poudre de lait qui arrive en Afrique à un prix très bas (grâce à diverses subventions) à empêcher jusqu’à aujourd’hui la filière lait de se développer normalement au Burkina Faso et dans les autres pays du Sahel africain. Pourtant, le lait est l’unique ressource de beaucoup de femmes peules (dont certaines sont très pauvres, comme bon nombre de veuves). Certaines n’ont que quelques litres (moins de 4 ou 5) pour faire vivre leur famille.

2. Voici une autre illustration des difficultés rencontrées par la filière lait. Il y a déjà de cela quelques années. Les moines de Koubri, à 25 km de Ouagadougou, ayant réussi à développer une ferme avec des vaches laitières (fruits du croisement entre des vaches locales et des taureaux importés d’Europe) donnant de 15 à 18 litres de lait par jour, ont voulu se lancer dans la production de yaourts. C’est ainsi que pendant quelques mois, nous avons pu apprécier d’excellents yaourts fabriqués par les moines bénédictins de Koubri et produits à partir de lait frais. Au bout de quelques mois, ils ont dû arrêter : ils perdaient de l’argent.

Peu de temps après, les bénédictines, leurs voisines, se sont dit que l’idée était pourtant intéressante. Elles se sont lancées à leur tour dans la production de yaourts, mais fabriqués, cette fois, à partir de lait en poudre importé. Ces yaourts n’avaient pas la qualité de leurs prédécesseurs, mais ils pouvaient être vendus moins chers. Aujourd’hui les bénédictines continuent à fabriquer ces yaourts et à les vendre dans les boutiques d’alimentation de Ouagadougou !

Koudougou, le 16 juillet 2004
Maurice Oudet

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