MANIFESTE

Le Mali face à la menace des O.G.M

Subvenir à sa propre alimentation est un acte de souveraineté politique ainsi qu’un droit qui est consacrée par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (D U DH ) de 1948. Le Pacte sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels de 1966 souligne quant à lui dans son article 11 « le droit de chaque nation de maintenir et développer sa propre capacité de production alimentaire en respectant la diversité des produits et des cultures, et sans nuire à la sécurité alimentaire des autres pays ».

L’Etat malien qui a adhéré à la DUDH et signé ce pacte est interpellé par un devoir de vérité, de cohérence et de justice envers notre peuple à l’heure où la plus grande puissance mondiale, les Etats-Unis d’Amérique, lui vante ainsi qu’à d’autres pays africains, les avantages des Organismes Génétiquement Modifiés (O.G.M. ). Au nom de la compétitivité et de la rentabilité elle presse nos dirigeants de franchir un pas nouveau et décisif dans la destruction de nos économies, de nos références culturelles ainsi que de nos écosystèmes.

L’organisation par le gouvernement américain du 21 au 22 juin 2003 à Ouagadougou( Burkina Faso ) d’une conférence internationale, sur les avantages présumés de la biotechnologie et des O.G.M, relève de cette violence politique et symbolique. Elle était adressée à une quinzaine de pays africains avec, à leur tête, quatre chefs d’Etat dont le Président Amadou Toumani Touré.

Le système néolibéral qui se prétend démocratique, viole de manière flagrante nos droits politiques en détournant les élites des préoccupations et des demandes explicitement formulées par leurs peuples.

Tant d’ingérence impose à la société civile davantage de vigilance et d’effort de coordination. Tel est le défi que la Coalition malienne contre les Organismes Génétiquement Modifiés (O.G.M ) et pour la Sauvegarde du patrimoine génétique se propose de relever. Les enjeux sont politiques, économiques, sanitaires, culturels et environnementaux.

Au plan politique, ces dernières années de libéralisation de l’économie malienne se sont soldées par la perte de prérogatives et de souveraineté par l’Etat ainsi que par la paupérisation croissante des Maliens et des Maliennes. Il apparaît plus clairement aujourd’hui que par le passé, que les nations riches défendent d’abord et par-dessus tout, les intérêts des multinationales.

Nous, organisations signataires du présent Manifeste, invitons l’ensemble de nos compatriotes, gouvernants et gouvernés, à davantage de lucidité, de maturité politique et de solidarité face à cette terrible réalité. Electricité, chemin de fer, or, filière cotonnière… sont autant de secteurs dont nous nous sommes laissés déposséder au nom de l’efficacité, de la compétitivité et de la rentabilité. Il en est ainsi parce que nous avons tendance à penser que les nations riches et industrialisées savent pour nous et peuvent mieux que nous-mêmes dans la transformation de nos économies et de nos sociétés. Il apparaît, désormais, sans ambages que plus nous libéralisons, plus nous nous appauvrissons.

Les paysans et les paysannes qui constituent la majorité de la population, paient particulièrement cher pour ce  manque d’assurance, de perspicacité et de capacité de proposition de l’élite sur qui ils devraient pouvoir compter.

A présent en plus de la pandémie du Sida et de la prolifération des armes légères, nous sommes confrontés avec les OGM à une menace qui a tout d’une arme de destruction massive si l’on considère le nombre de victimes potentielles dans nos pays.

La Coalition, au regard de la gravité de notre situation, estime que les élites politiques et scientifiques n’ont pas le droit de prendre de nouveaux risques en nous imposant les O.G.M.

Les quatre chefs d’Etat africains qui ont pris part à la Conférence de Ouagadougou, se sont montrés prudents, en déclarant qu’ils attendent des preuves quant au caractère inoffensif des O.G.M pour la santé et l’environnement. Nous n’aurions rien à craindre si nos dirigeants se mettaient à l’écoute des faits et se méfiaient davantage des promesses des multinationales ainsi que des positions de certains de nos scientifiques déjà acquis à leur cause. Appui financier et logistique, oblige à des structures de recherche indigentes.

La Coalition, craint en effet, que dans le manque de concertation, de coordination et sous la pression politique du gouvernement américain, les dirigeants africains reviennent sur l’attitude de prudence qu’ils ont adoptée à Ouagadougou. Cette crainte est d’autant plus fondée que les prises de position des ministres de l’Agriculture du Burkina Faso et du Mali sont plus tranchées. Ceux-ci prétendent que la maîtrise de la science et de la technologie devra accroître la productivité agricole. Les chantres des Organismes Génétiquement Modifiés, ne tiennent pas davantage compte des faits récents dont l’échec de la Cinquième Conférence ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C ) à Cancun (septembre 2003 ) dû en grande partie au refus du gouvernement américain, de renoncer aux subventions agricoles qu’il octroie à ses producteurs de coton, faussant ainsi le jeu de la compétitivité. L’accès aux médicaments, notamment à la trithérapie, qui correspond à une demande réelle des Africains, n’est pas davantage pris en compte par les Etats-Unis. Ils perdent de vue les mécanismes de domination et de pillage qui ont jusqu’ici présidé à la transformation de l’agriculture dans nos pays en la détournant de sa mission sacrée : nourrir les Africains et les Africaines. Les progrès réalisés ( motorisation, mécanisation, variétés et races améliorées, intrants…) ont essentiellement profité aux cultures d’exportation dont les pays industrialisés ont besoin avec des retombées pour l’Etat et une minorité de producteurs, du reste endettés.

Les gains de productivité obtenu au niveau des cultures de rente ont de surcroît été mal utilisés et parfois détournés de la satisfaction des besoins de l’ensemble du monde rural. Les régimes de subvention agricoles des pays riches aggravent cette situation. Aujourd’hui, seuls peuvent se maintenir, les producteurs nationaux relativement et les investisseurs étrangers.

Les paysans démunis et exclus qui constituent la majorité, ont surtout besoin de bonne terre, d’eau, de semence, de savoirs et d’équipements qui n’ajoutent pas à la dépendance et à l’endettement.

. La logique hypocrite, injuste et meurtrière du néolibéralisme crée des demandes qui font vendre au lieu d’écouter et de satisfaire celles qui émanent des gens. La compétition, une contre valeur, s’organise autour de faux défis. Il en est ainsi entre pays comme à l’intérieur de nos frontières entre gouvernants et gouvernés. Deux pays voisins et frères comme le Burkina Faso et le Mali, qui devraient être unis et solidaires sont poussés à une compétition ouverte pour la première place de pays producteur de coton quitte à recourir à l’arme fatale des O.G.M et en dépit de la surproduction qui caractérise le marché quant à cette matière première.

Nous, signataires du présent Manifeste, nous nous insurgeons contre la logique sournoise de la guerre économique qui fragilise nos pays tout en compromettant la paix sociale et la stabilité politique.

Au-delà du manque d’éthique en matière de politique économique et de coopération entre les pays industrialisés et les nôtres, la problématique des O.G.M. défie la volonté et la capacité des élites africaines à composer avec leurs peuples et à les servir au lieu de servir leurs propres intérêts. Les O.G.M. ne constituent pas une réponse honnête à la faim et à la pauvreté en Afrique, mais un moyen supplémentaire et particulièrement odieux de nous déposséder de notre patrimoine semencier au profit d’une poignée de multinationales.

La Coalition rappelle que :

Le brevetage exige que le producteur s’approvisionne en engrais et en intrants auprès d’un fournisseur, alors que le choix de la semence est un acte de souveraineté ainsi qu’un fait éminemment culturel. En disposer, l’utiliser librement, l’échanger sont parmi les rares prérogatives qui restent à notre paysannat désemparé. Nul, n’a le droit de brader cette ressource à leur insu. Il en est de même du choix des aliments que nous consommons, mais d’aucuns voudraient que les Africains se taisent et mangent n’importe quoi,

La dépossession concerne aussi les terres : les O.G.M exigent des superficies, des insecticides et des intrants qui excluent les petits producteurs

Le seuil de traçabilité intenable qui consiste à situer l’origine d’un produit, suppose que l’utilisateur (trice ) sait lire.

La menace est réelle pour les terres et les variétés locales parce que la « contamination génétique » par pollinisation est irréversible  quel qu’en soit le rythme. Aucun dispositif scientifique, technique et politique, dans l’état actuel de la recherche dans nos pays ne permet de contrer un tel phénomène et d’en corriger les méfaits,

l’isolement strict des cultures, la ségrégation des lots dans le transport, le stockage, la transformation sont des exigences que même les pays riches ont du mal à respecter,

il n’existe aucun régime de responsabilité et de couverture des risques de contamination fortuite de cultures non O. G. M,

La dépossession s’opère en amont de manière plus directe, mais sournoise, dans la mesure où des dizaines de produits africains sont dérobés et brevetés sans que les communautés auxquelles elles appartiennent en soient informées à plus forte raison dédommagées,

Les recherches en laboratoire ou au champ qui sont menées ne nous permettront jamais d’appréhender et de tirer des enseignements de la tragédie des paysans indiens de l’Anctra Pradesh, où l’introduction du coton transgénique n’a nullement amélioré la situation des petits producteurs.

L’importation des O.G.M n’est qu’une dangereuse fuite en avant dans des contextes socio-économiques où les véritables maux de l’agriculture sont l’extraversion économique, les inégalités dans la répartition des efforts d’encadrement et de financement, l’ingérence des institutions de Bretton WOODS dans les décisions nationales, les subventions agricoles des pays riches, la tendance des prix agricoles à la baisse, la mauvaise gestion et la corruption.

Des gouvernants éclairés se doivent par-dessus tout de tirer le maximum d’enseignements de cet ensemble de goulots d’étranglement au lieu de se plier à la volonté d’hégémonie des Etats-Unis tout en jouant le jeu des grands groupes.

Nous, organisations signataires du présent Manifeste, réaffirmons notre attachement sacro-saint au principe de la souveraineté politique et alimentaire ainsi que l’exigence du respect scrupuleux de ce principe, qui en découle pour nos dirigeants, conformément à la Constitution dont ils sont les gardiens.

Nous en appelons à la mobilisation populaire ainsi qu’à la veille citoyenne face à la menace que constitue l’introduction des O.G.M dans notre agriculture.

Nous invitons tous les citoyens( ne) ainsi que les organisations de la société civile, les formations syndicales, politiques et de toute nature à se joindre à nous dans ce combat pour la Vie, en signant ce Manifeste.

Coalition nationale contre les OGM et pour la sauvegarde du patrimoine génétique du Mali

ACORD

ADAF/ GALLE

A.M.AS.B.I.F

AID MALI

AIDEMET

AOPP

ASCOMA

Association N’KO

Association YEELEN

CAFO

CAHBA

C.A.D Mali

CCA ONG

CNOP

COFEM

FDS

 

Forum pour l’autre Mali

GUAMINA

GP/Santé Population

Jeunesse Union Africaine Mali

JUBILEE 2000

O.M.A.D.I

REDECOMA

R.E.D.E.M.A

 

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