Peut-on sauver le coton africain tout en défendant la souveraineté alimentaire ?

A Cancún, le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad ont demandé que les subventions sur le coton soient éliminées là où elles sont pratiquées (surtout aux USA). En effet, ces subventions menacent directement les pays d’Afrique du Centre et de l’Ouest où la culture du coton représente jusqu'à 80% des recettes d’exportation.

Cette demande a pris des proportions très grandes dès l’ouverture de la conférence vu son caractère éminemment symbolique : les quatre pays ne demandaient pas de traitement préférentiel ; ils demandaient seulement que les règles de l’OMC  soient appliquées.

Interrogé par la journaliste Julia FICATIER (La Croix du 17 septembre 2003) le président Blaise Compaoré a répondu : "Nous avons décidé de nous appuyer sur plusieurs grands pays du Sud, en particulier le Brésil, où je me suis rendu par deux fois cet été. Cette solidarité Sud-Sud nous a fait chaud au coeur ! Elle nous empêche de nous marginaliser en ces temps de mondialisation. Nous créons ainsi une communauté d'intérêts, de destin, pour peser sur l'OMC. On ne peut en effet se défendre seul, aussi bien le petit Burkina Faso que le grand Brésil !"

Sur cette question, en effet, les intérêts du Burkina Faso et du Brésil coïncident.

Sur l'ensemble des questions agricoles, il semble que le Brésil défendent davantage ses grandes exploitations agricoles (en partie aux mains de sociétés multinationales) que ses petits paysans. Aussi, une autre alliance s'est mise en place.

Le jeudi 11 septembre, les pays de l'Union africaine (UA), les ACP (les Pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) et les PMA (Pays Moins Avancés) ont constitué une nouvelle entité dans les négociations sur l'agriculture. Ces pays préconisent des Produits spéciaux désignés de manière autonome pour les pays en développement, ainsi qu'un Mécanisme de sauvegarde spéciale et le maintien des régimes d'accès préférentiel existants. Ces pays proposent une formule d'accès aux marchés qui ciblerait les droits de douane élevés, les crêtes tarifaires et la progressivité des droits de douane.

Cette alliance et ces orientations semblent manifester un pas intéressant vers la souveraineté alimentaire des pays du Sud (sous réserve que ces Produits spéciaux pourront effectivement être protégés par des taxes à l'importation).

De plus, on peut espérer que la gifle du coton (l'expression est de Madame Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture du Mali) que les négociateurs africains ont reçu à Cancún a renforcé la détermination des africains à faire entendre leur voix et à ne plus se laisser faire, ni signer un soit-disant accord qui ne respecteraient pas leurs intérêts. Du côté des africains, on peut donc être raisonnablement optimiste pour la suite des négociations.

Maurice Oudet, le 3 octobre 2003

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