Les éleveurs du Burkina en transhumance vers la maîtrise de leur avenir

 

Le 30 avril 2009 s'est tenu à Bobo-Dioulasso un atelier organisé par l'Association Culture, Tourisme, et Développement Agro-Pastoral (CTDAP). L'atelier avait pour thème : « La problématique du financement du secteur de l'élevage ». Les échanges ont été introduits par le Dr Ibrahima Aliou, Secrétaire Général de l'Association pour la Promotion de l'Elevage dans le Sahel et la Savane (APESS).

Nous étions environ cinquante participants, surtout des éleveurs. Mais cinq banques étaient représentées et aussi la Caisse Populaire de Bama. La plupart des éleveurs s'exprimait en fulfulde. C'est dire que nous avons parlé essentiellement de l'élevage sédentaire extensif à caractère transhumant, selon l'expression du conférencier.

Le Dr Ibrahima Aliou a commencé par mettre en avant ce paradoxe :
Femmes peules avec leurs calebasses de lait
L'importance économique de l'élevage est reconnue par tous. Le secteur de l'élevage contribue pour plus de 12 % du PIB et représente 25 % des recettes d'exportation du Burkina Faso. Trois millions de Burkinabè vivent, pour l'essentiel, de l'élevage. Et malgré cela, moins de 2 % de la part du budget attribué au développement rural lui est destiné. L'élevage est encore plus négligé que l'agriculture par le pouvoir public.

Pour le conférencier : « La clé de tout : l'organisation ! »

Au cours des débats les banquiers ont affirmé leur disponibilité à accompagner les éleveurs. Ils ont bien conscience que l'élevage est une des principales richesses du pays. Mais, ils ont dit qu'un animal prêt à partir en transhumance n'est pas une garantie pour eux. Et ils ont invité les éleveurs à œuvrer à la mise en place d'une solide organisation, comme les producteurs de coton ont su le faire.

A travers les débats, un consensus est donc apparu : Seule une meilleure organisation des éleveurs permettra aux éleveurs, non seulement d'obtenir des financements auprès des banques, mais aussi auprès des pouvoirs publics; et surtout de se rendre maîtres de leur avenir. Aujourd'hui, on a l'impression que l'élevage n'est ni orienté, ni géré par les éleveurs. Et quand on se demande pourquoi les éleveurs n'ont pas d'organisation à la hauteur de leurs besoins, c'est l'analphabétisme qui est mentionné en premier lieu. Mais aussi des éléments culturels.

En effet, on peut se poser la question : Les éleveurs ont-ils le désir d'emprunter ? Sont-ils intéressés par les banques ? A cette question, un des participants à répondu que beaucoup des éleveurs nomades traditionnels se disent déjà riches. Ils auraient honte de demander un crédit.

A cela il a été répondu que la situation est en train de changer. La plupart des éleveurs sont en train de passer d'un élevage sédentaire extensif à caractère transhumant vers un élevage diversifié. De plus en plus souvent une petite partie du troupeau (5, 10, ou 15 bêtes) forme ce que l'on appelle parfois un troupeau de case, tandis que le reste du troupeau est en transhumance. C'est par exemple le cas quand un éleveur est intéressé à fournir du lait à la mini laiterie voisine. Ou qu'il fait de l'embouche (c'est à dire, par exemple, qu'il sélectionne – ou achète - de jeunes bovins qu'il va nourrir copieusement en vue de les engraisser rapidement pour la vente). Il peut avoir alors besoin d'argent (et donc chercher à emprunter) pour acheter quelques bêtes ou pour le complément alimentaire. De même, ceux qui se tournent vers des races locales plus performantes comme les zébus azawaks ou goudalis sont souvent à la recherche de financements.

Il y a quelques années encore, les éleveurs qui pratiquent la transhumance disaient facilement : l'alphabétisation, l'école, les banques... « c'est Pas d'organisation forte sans alphabétisationpour les autres ». C'est pourquoi, la très grande majorité de ces éleveurs sont analphabètes. La plupart de leurs enfants ne va pas à l'école. Mais, si nous sommes attentifs, nous verrons que la situation a changé. C'est ainsi que des communautés d'éleveurs, de plus en plus nombreuses, demandent l'ouverture d'un centre d'alphabétisation en fulfulde dans leur campement. Et quand les mamans ont été alphabétisées, elles mettent leurs enfants à l'école.

L'atelier a pensé qu'il fallait se rendre capable de répondre à cette demande. C'est pourquoi les éleveurs présents à l'atelier ont pris, avec les organisations dont ils sont membres, la résolution de s'impliquer pleinement, y compris financièrement, dans le développement de l'alphabétisation, de l'éducation et de la formation de leurs communautés. Ils sont décidés aussi à mettre leurs organisations en réseau, pour un travail plus cohérent et plus efficace.

Si ces résolutions sont suivies d'effets, ce sera, me semble-t-il, un premier pas significatif vers la maîtrise, par les éleveurs, de leur avenir.

Bobo-Dioulasso, le 2 mai 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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