Ayant personnellement rencontré à Ouagadougou le 18 avril 2000 le Commissaire de l'UEMOA (Union Economique et Monétaire d'Afrique de l'Ouest) chargé des relations commerciales extérieures, il a déploré l'absence d'une politique agricole commune dans l'UEMOA et admis qu'il était dangereux de n'avoir pas prévu de protection spécifique pour les produits agricoles et alimentaires. Il a aussi admis que les perspectives d'un APER (Accord de partenariat économique régionaux) entre l'Union Européenne (UE) et l'UEMOA étaient effectivement risquées. Il ne m'a pas démenti sur le fait que cette absence de protection agricole spécifique s'explique largement par le caractère peu démocratique des régimes politiques des Etats membres, et notamment par l'inexistence de syndicats agricoles capables de faire prendre en compte les intérêts paysans. Et qu'il est de l'intérêt à court terme des gouvernements de nourrir la population aux plus bas prix, qui sont généralement ceux des produits importés.

Néammoins, il m'a rappelé que les droits consolidés de l'OMC en 1995 étaient très élevés (79% au Bénin, 150% au Burkina, 230% en Côte d'Ivoire, 65% en Guinée Bissau, 110% au Mali, 100% au Niger, 180% au Sénégal et 83% au Togo) et qu'il était donc possible de relever le tarif extérieur commun (TEC) et les autres droits à l'importation de type TVA si la volonté politique change et sait résister aux pressions occidentales et à celles à court terme des consommateurs.

Toujours est-il que cette absence de protection agricole dans ces pays d'Afrique subsaharienne est un vrai crime contre l'humanité qu'il faudra bien reconnaître comme tel tôt ou tard !     .../...

Faute de pouvoir écouler et consommer les productions vivrières locales parce que le marché libre condamnera les Africains à consommer toujours plus des aliments importés que ses paysans ne peuvent plus produire, ou du moins pas au même prix, ceux-ci n'auront d'autre alternative que de produire toujours plus de produits tropicaux d'exportation, dont les prix chuteront en conséquence toujours plus, au grand bénéfice des firmes agro-alimentaires occidentales, ce qui les conduira finalement à produire de la drogue. Et puisque les APER, comme les accords d'associations euro-méditerranéenns, ne sont que des accords de libre-échange et non des marchés communs avec libre circulation des personnes, le problème des sans papiers ne fait que commencer ! Et il faudra sans doute encore que beaucoup d'autres enfants d'Afrique meurent dans les trains d'aterrissage des avions la reliant à l'UE pour que leurs responsables politiques ouvrent les yeux !


Bonne feuille : tirée du chapitre :
Les accords criminels de libre-échange avec les pays ACP (p 362)

Jacques Berthelot, est économiste rural, ancien responsable de la Chaire Jean Monnet d'intégration économique européenne de l'Institut National Polytechnique de Toulouse, Maître de conférence à l'Ecole nationale supérieur agronomique de Toulouse, chercheur au laboratoire Dynamiques Rurales.

Membre des Verts, d'Attac, de Solagro et d'associations de solidarité internationale.

 
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