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L’échec du Coton Bt

L’histoire de Monsanto dans l'État indien de l’Andhra Pradesh

 

 

Conférence de presse du 4 novembre 2005

Le génie génétique ne résout pas les problèmes alimentaires
Oui au moratoire sur le génie génétique dans l'agriculture suisse

 

Dr. P.V. Satheesh, Directeur de la Société Deccan Développement de l’Andhra Pradesh, Inde

Malgré les nombreuses promesses faites par le secteur des biotechnologies, le coton Bt n’a pas permis aux paysans indiens de réduire de façon significative l’utilisation des pesticides ni d’augmenter le rendement des cultures.

C’est le résultat d’une recherche scientifique indépendante menée par deux scientifiques pendant trois ans et qui portait sur environ 5% des cultures de coton Bt produit par les paysans dans l’Etat du Sud de l’Inde d’Anda Pradesh. Cette étude a révélé des vérités effrayantes sur les performances du coton Bollgard de Mahyco Monsanto.

Les résultats de l’étude ont joué un rôle-clé dans la décision prise par le GEAC, le Comité d’Approbation des Méthodes Génétiques du gouvernement indien, de refuser de renouveler le permis de Mahyco-Monsanto et son coton hybride Bt dans l’Etat de l’Andhra Pradesh. De plus, le gouvernement de l’Andhra Pradesh, furieux du refus de la multinationale d’accepter sa responsabilité pour les pertes subies par les agriculteurs, a interdit à Monsanto d’opérer dans la région.

Les principales conclusions de l’étude sont les suivantes :

Le coton trangénique Bollgard n’a pas permis de réduire de façon significative l’utilisation de pesticides. Entre les exploitants de coton Bt et les autres exploitants ‘non Bt’, la différence de coûts liée à l’utilisation de pesticides ne représentait que deux maigres pour cent du coût total de production.

Concernant la production elle-même, le coton Bt de Mahyco-Monsanto ou coton Bollgard est loin d’avoir amélioré les rendements des petits exploitants. Sur trois ans, le coton Bt a eu un rendement de 8% inférieur au coton non Bt.

Le coton Bollgard n’a pas rapporté de bénéfices aux exploitants. La rentabilité moyenne sur ces trois ans a été de 57% inférieure pour les exploitants utilisant le coton Bt par rapport à ceux qui ne l’utilisèrent pas.

Le coton Bollgard n’a pas réduit les coûts de production. En moyenne, les exploitants utilisant le Bt ont dépensé 12% de plus que leurs homologues.

Le coton Bollgard n’a pas crée un environnement agricole plus sain, au contraire : les agriculteurs et les chercheurs ont observé les premiers symptômes de la toxicité du sol menaçant la santé humaine et animale.

En Inde, une superficie immense s’étendant sur dix millions d’acres (un acre=0.4 hectares ou 1 hectare=2,471 acres) de champs de coton est cultivée par quatre millions de paysans qui possèdent des exploitations d’un hectare ou moins. Beaucoup d’entre eux cultivent du coton hybride et ont été victimes d’un parasite redoutable : l’Helicoverpa Armigera également appelé « ver de la capsule du coton » (ou « Bollworm ».). Le coton Bt est arrivé avec la promesse que plus aucun pesticide ne serait nécessaire pour tuer le parasite. Les toxines de la plante Bt la protègeraient de ce ravageur pendant les 100 premiers jours au moins. Il ne s’agissait que de l’une des promesses faites aux paysans : elle fut précédée et suivie d’un grand nombre d’autres formulées par plusieurs acteurs au sein et à l’extérieur du secteur (voir l’encadré ci-dessous).

Evidemment, ces mots ont agréablement sonné aux oreille des quatre millions de petits et moyens exploitants de coton que compte l’Inde. Ils en avaient tous assez d’utiliser des pesticides. Des milliers d’entre eux s’étaient déjà suicidés car les pesticides ne parvenaient plus à tuer le parasite et leurs pertes augmentaient. Ils étaient pris au piège du cercle vicieux de l’endettement qui les étouffait un peu plus chaque année. Beaucoup d’entre eux ont choisi le coton Bt afin d’échapper à la menace au Bollworm.

Une foule de promesses

Le coton Bt a été accompagné d’une moisson de promesses faites par le secteur des biotechnologies. En résumé, leur principale promesse était: les bénéfices considérables tirés du Bt viennent d’une augmentation du rendement et d’une réduction de la quantité de pesticides utilisée.

Mr Raju Barwale, de Mahyco-Monsanto, Compagnie indienne de semences qui a fourni les semences de cotonnier Bollgard aux paysans indiens a fait la promesse suivante : les variétés de coton Bt résistantes au Bollworm devraient entraîner une augmentation des rendements allant de 30 à 40 pour cent et nécessiteront 70% de moins de pesticides.

L’ISAAA, le Service international pour l’acquisition des applications de l’agrobiotechnologie et leader groupe de pression défendant les biotechnologies, a brossé un tableau encore plus idyllique dans sa brochure intitulée « Le coton Bt en Inde ». Il y est dit qu’ en 1998-99, le coton Bt a permis une augmentation de la production par acre représentant 4678 roupies, soit 96 dollars de plus ou l’équivalent de 78% des bénéfices nets moyens des exploitants n’utilisant pas le Bt. La réduction des quantités de pesticides a permis une économie supplémentaire de 870 roupies ($18) par acre, soit 14% des bénéfices nets des utilisateurs du coton ordinaire. Compte tenu des pratiques actuelles de lutte contre le Bollworm, un bénéfice net supplémentaire de 6529 roupies ($134) pourrait être obtenu, équivalant à une augmentation 110% de la rentabilité nette grâce au coton Bt.

Tandis que ces promesses se rapportaient à la situation indienne, le site Web de Monsanto énumérait d’innombrables promesses telles que :

-1 Le coton Bt rapporte des bénéfices socioéconomiques aux petits exploitants du monde entier.

-2 Le coton Bt permet aux exploitants disposant de faibles ressources, dont la plupart sont des femmes, de prendre soin de leurs enfants et d’avoir des revenus supplémentaires.

La coalition de l’Andhra Pradesh pour la Défense de la Diversité, un réseau d’environ 140 organisations de la société civile qui travaillent avec presque un million de paysans, et la « Deccan Development Society », un groupe communautaire pour le développement, voulaient connaître l’impact du coton Bt sur l’agriculture et sur les vies des paysans disposant de peu de ressources et représentant presque 80% de la population agricole de l’Inde.

Le groupe de recherche choisit le district cotonnier de Warangal dans l’Andhra Pradesh afin de mener son étude. Le district est depuis longtemps une zone cotonnière et est réputé pour l’utilisation de grandes quantités de pesticides ainsi que pour les suicides commis par ses paysans. L’étude visait à déterminer si le coton Bt pourrait sortir ces paysans de la crise.

Deux scientifiques, le Docteur Abdul Qayoom (un chercheur agricole ayant travaillé avec le gouvernement de l’Andhra Pradesh comme directeur adjoint de l’agriculture) et Monsieur Kiran Sakkhari (un chercheur agricole ayant travaillé avec les institutions prestigieuses du CGIAR) ont mené cette étude.

Ils ont choisi une méthode transparente et ouverte, sont restés en contact avec les paysans et ont récolté des informations tous les 15 jours. Les collecteurs de données étaient des chercheurs appartenant à la base, restant dans les villages et ayant de très bonnes connaissances de l’agriculture. Aucun autre groupe de recherche sur le coton Bt n’avait fait d’étude étalée sur toute une saison et aussi approfondie que celle-là dans notre pays. La plupart des groupes venaient de temps en temps, après avoir entendu parler d’une catastrophe ; ils récoltaient des données à ce moment précis et rentraient chez eux. Aucun d’entre eux ne restait en permanence auprès des paysans et leurs communautés afin d’enregistrer l’évolution de leur point de vue sur le coton Bt. De ce point de vue là, cette étude est donc unique.

A la fin de la première année, l’étude a rapporté qu’au lieu d’avoir profité du coton Bt, les agriculteurs de Warangal avaient perdu environ $73.5/hectare tandis que ceux n’utilisant pas le Bt avaient réalisé des bénéfices s’élevant à environ $305/hectare. Le coton Bt n’avait rempli aucune de ses promesses. Il n’avait pas réduit les coûts de production. Il n’avait pas réduit de façon significative les quantités de pesticide utilisées. Il n’avait pas fait augmenter les rendements. En fait les exploitants n’utilisant pas le Bt ont récolté 35% de plus de coton que les exploitants Bt.

Résultats de l’étude pour la première année : 2002–2003

No

Question traitée

Pour le coton Bt

Pour le coton non Bt

1

Coût total de la culture/hectare

Rs. 26,375 ($605)

Rs. 23,907 ($543)

2

Coût des semences/hectare

Rs. 4000 ($90)

Rs. 1125 à 1250 ($26 à 29)

3

Dépenses en pesticides/hect.

Rs. 7272 ($165)

Rs. 7427 ($168)

4

Rendements moyens/hectares

1125 kg

1725 kg

5

Bénéfices nets/hectares

(-) Rs. 3237 ($73.5)

Rs. 13420 ($305)

L’industrie biotechnologique a poussé des hurlements à la vue de ce rapport. Et certains grands groupes de pression ont dit qu’il était injuste de juger une technologie. On nous a donné un conseil : il serait juste d’attendre la fin de la période de trois avant de se prononcer sur le succès ou l’échec du coton Bt. En attendant, il est plus raisonnable d’évaluer les résultats sans porter de jugement.

En 2005, après avoir étudié le coton Bt à Warangal pendant trois ans, les résultats ont été publiés dans l’étude intitulée : « Le Coton Bt dans l’Andhra Pradesh : une évaluation menée sur trois ans ». Il s’agit d’un rapport objectif sur le choix des paysans en faveur du coton Bt, ses conséquences économiques et le désespoir qui en résulte. Un film associé « Le Coton Bt dans l’Andhra Pradesh, une fraude étalée sur trois ans », recrée brillamment l’atmosphère et les sentiments des paysans qui sont menés en bateau par les fausses promesses d’un secteur à la recherche du profit. Ce sont deux documents historiques qui analysent l’impact du coton Bt en Inde.

Les principaux résultats de l’étude résument la performance du Coton Bt dans cette région :

Le coton Bt n’a pas entraîné de diminution significative de la consommation de pesticides.

En réalité, la différence entre les quantités de pesticides utilisées par les exploitants Bt et par les exploitants ‘non Bt’ était presque imperceptible. Les exploitants Bt ont acheté et utilisé en moyenne Rs.6428 ($146) de pesticides par hectare tandis que les exploitants non Bt ont acheté et utilisé Rs. 6915 ($157) de pesticides sur trois ans. La différence s’élève à peine à 7% des coûts liés à la lutte contre ce parasite nuisible et à 2% invisibles des coûts totaux de production.

Le coton Bt n’a pas produit de meilleurs rendements.

Le rendement moyen sur trois ans pour les petits exploitants de coton Bollgard dans de bonnes conditions d’humidité s’est maintenu à 1622 kg par hectare environ alors que le rendement des hybrides de coton non Bt a dépassé ce chiffre de 8.3%. Lors des années sèches, les exploitants Bt ont récolté 35% de moins de coton que les exploitants n’utilisant pas le coton Bt.

Les exploitants Bt ont eu des revenus de 60% inférieurs à ceux des exploitants non-Bt sur trois ans.

La moyenne sur trois ans nous montre que les exploitants non Bt ont eu des bénéfices de 60% supérieurs à ceux des exploitants Bt. En fait, le coton Bt, et surtout les variétés de coton de Mahyco Monsanto, ont apporté un lot de malheurs aux paysans qui les ont fait descendre violemment dans la rue et brûler les entrepôts des fournisseurs de graines dans la ville de Warangal. Les agriculteurs ont attaché les représentants de Mahyco-Monsanto dans leurs villages et la police a dû porter secours aux malheureux vendeurs de Monsanto.

Les coûts de production des exploitants de coton Bt ont augmenté de 12%.

En moyenne, les coûts de culture des exploitants Bt ont augmenté de 12% par rapport à ceux de leurs homologues. Les semences Bollgard appartenant à Mahyco-Monsanto ont coûté 3 à 4 fois plus cher. Les cultures exigeaient des soins supplémentaires pour répandre les engrais, irriguer et s’occuper de la précieuse semence. Beaucoup de paysans, surtout dans les zones humides, ont dû dépenser 2000 roupies de plus environ par acre que pour les hybrides sans Bt.

Au lieu de respecter l’environnement agricole, la culture du coton Bt a eu un effet toxique sur les sols et un impact néfaste pour la santé humaine et animale.

Les chercheurs ont observé qu’un type précis de pourriture des racines se répandait à cause du coton Bollgard. Les Paysans ont commencé à se plaindre de l’infection de leurs sols traités au Bt tandis qu’ils ne pouvaient plus cultiver d’autre variété sur ces mêmes parcelles. En revanche, ils pouvaient très facilement changer de culture sur les sols où ils avaient cultivé des hybrides non Bt. Voilà une alerte précoce qui exige une recherche active et immédiate menée par des spécialistes des sols.

Le film retrace l’histoire des paysans d’Anhra Pradesh. Ces derniers nous racontent l’expérience qu’ils ont faite avec le coton Bt de Mahyco-Monsanto. Une histoire de grandes pertes, de douleur profonde, de colère froide menant à l’explosion de violences et même à la mort.

Sur tous les plans, les hybrides Bt de Mahyco-Monsanto ont trahi la communauté agricole de l’Andhra Pradesh.

Sur la base des résultats de cette étude, nous demandons que soit menée une évaluation économique complète des situations des petits exploitants qui ont été ruinés par la culture du coton Bt et nous réclamons à Mahyco-Monsanto le versement immédiat d’indemnisations. Nous exigeons également qu’un moratoire de cinq ans sur les cultures transgéniques soit décrété en Inde, jusqu’à ce qu’un vaste débat public ait lieu sur cette question.

Un moratoire en Suisse serait dans notre intérêt. Tout d’abord parce que l’intégrité de l’agriculture est très respectée en Suisse, chose que nous voulons imiter dans nos pays. Deuxièmement parce qu’un moratoire en Suisse serait une stimulation morale pour les millions d’agriculteurs qui veulent débarrasser leur agriculture des cultures transgéniques.

 

« Le Coton Bt à Andhra Pradesh : une évaluation menée sur trois ans »

www.ddsindia.com ou www.ddsindia.org.in

Contact : P.V. Satheesh, courriel : hyd1_ddshyd@sancharnet.in

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