Tandis qu’à Bangkok, les Coréens poursuivaient des négociations
serrées pour enfin ouvrir leur marché au riz thaïlandais, chinois
ou américain, tout au sud de la péninsule, les paysans en colère
ont bruyamment manifesté leur opposition à un projet qui pourrait
sonner le glas de leur activité. Mardi dernier, 400 000 fermiers se
sont mobilisés à travers tout le pays pour refuser le diktat
des pays exportateurs. D’autres rendez-vous étaient prévus
jusqu’à dimanche pour empêcher la signature d’un accord qui
pourrait détruire tout le tissu agricole du pays.
Des millions de
foyers sont concernés. Depuis 1994 le riz coréen est protégé
par un quota limitant les importations à 5% de la production
nationale. Avec un prix trois à quatre fois plus élevé que celui
qu’on trouve sur le marché mondial, le grain qui pousse dans les
rizières coréennes serait laminé par celui en provenance des
autres pays asiatiques. Cela fait des années que Séoul subit les
assauts de Washington pour mettre fin à sa politique de soutien à
la production locale. L’entrée de la Chine à l’OMC n’a pas
arrangé les choses. Et c’est aujourd’hui la fin de la période
de grâce qui lui avait été concédée lors des négociations
commerciales de l’Uruguay round.
La semaine dernière la colère
des paysans était mêlée de tristesse, on célébrait la mémoire
de Lee Kyung Hee, un leader paysan dont le suicide en public avait
semé le trouble à Cancun, au Mexique, à la veille de la réunion
de l’OMC. C’était déjà pour alerter le monde entier du sort réservé
aux paysans coréens par l’ouverture des marchés. Avant la
reprise des négociations vendredi à Bangkok le gouvernement a
laissé entendre qu’il pourrait lever partiellement les barrières
douanières, une rumeur qui a fait montée la pression dans toute la
région rizicole de la péninsule. Toutes proportions gardées, l’Europe
est en train d’expérimenter ce que la Corée risque d’endurer
demain. Depuis le premier septembre le marché s’est ouvert à la
concurrence étrangère, mais d’après les négociants il faudra
attendre la fin de la récolte espagnole pour évaluer les répercussions
sur les cours du riz européen, à terme des milliers de
riziculteurs pourraient disparaître.
Dominique Baillard
le 20 septembre 2004 sur RFI