Le Journal "Le Pays" du 3 octobre 2002
Les pays riches dépensent un milliard de dollars par jour pour
des subventions agricoles. Le surplus est exporté sur les marchés
mondiaux, maintenant les prix à un niveau bas, laissant les
producteurs des pays pauvres sans travail et réduisant leurs
revenus.
C'est contre cette iniquité que des ONG et des organisations de
la société civile entendent désormais lutter, à travers une
campagne d'information et de lobbying afin d'obtenir des règles
équitables pour le commerce international. OXFAM international
est un des chefs de file de cette campagne. A l'occasion du 10e
anniversaire du RECIF/ONG. Les représentants d'organisations
paysannes étaient face aux femmes de RECIF/ONG. Une rencontre
instructive qui a eu le mérite d'interpeller chaque producteur
afin d'inverser la tendance.
Les cours du coton ont baissé la campagne dernière. Cette année,
le prix du kilogramme est de 175FCFA/kg. Contre 200 FCFA l'année
passée. Il faudra multiplier les surfaces ou les rendements pour
conserver les mêmes niveaux de revenus.
En Europe, le kilogramme est autour de 700 F CFA pour une qualité
inférieure à celle du Burkina. Qu'est-ce qui explique cette
situation ? Pour François Traoré, président de l'Union
nationale des producteurs de coton, UNPC, ce sont les subventions,
et il faut les arrêter. Les Etats-Unis sont également pointés
du doigt. Selon M. Kambiré, fonctionnaire au ministère de
l'Agriculture "les Etats-Unis ne respectent pas les
engagements pris à l'OMC. Ils augmentent les subventions au lieu
de les baisser".
En subventionnant leur agriculture, les occidentaux soutiennent
leurs producteurs. Au Sud par contre, les producteurs sont livrés
à eux-mêmes face à un système qui ne paie pas leurs
productions au juste prix.
Du coup, un pays comme le Burkina a perdu 10 milliards de F CFA de
revenus, et pour les deux années à venir. C'est un manque à
gagner de 40 milliards qui est prévu. Selon une étude du CCIC
(Conseil consultatif international du coton) faite en septembre
2001", "sur le plan mondial le Burkina avait le coût de
revient le plus faible (147 F CFA) tandis que les Etats-Unis
avaient le coût le plus élevé (476 F CFA)". Le cours moyen
à cette époque se situait autour de 294 FCFA selon la même étude
- et de poursuivre "En l'absence de leurs subventions donc,
les Etats-Unis auraient vendu leur coton fibre avec une perte de
182 F CFA, tandis que le Burkina aurait gagné 148 F CFA à 149 F
CFA sur chaque livre de coton vendu en 2001".
Le danger est la mort programmée de la filière coton dans les
pays du Sud. Du fait de la baisse des revenus. Cette analyse est
à mettre dans la perspective de la lutte contre la pauvreté. Car
mieux rémunérés, les producteurs du Sud peuvent aspirer à un
mieux-être social et économique.
Ce qui est valable pour le coton l'est également pour le riz
local. Les plaines ont été aménagées depuis des années mais
la production locale a du mal à se faire une place sur le marché
national. Elle couvre à peine un tiers des besoins - et ne résiste
pas à la concurrence du riz importé - vendu à des prix défiant
toute concurrence. Là aussi, les subventions des pays asiatiques
font qu'ils déversent dans les pays du Sud de vieux stocks qu'ils
bradent. Le riz local est donc relégué au second plan car trop
cher selon les ménagères qui trouvent également que le riz
local ne gonfle pas.
A ces réactions, le père Oudet Maurice militant anti-subvention,
réplique que le commerce est la locomotive de la production. Et
celle-ci mourra si les riziculteurs ne peuvent pas vendre. Pour
lui, il faut une politique de soutien à la production et à la
commercialisation. Citant l'exemple du Japon qui met une taxe de
2000 % sur l'importation du riz sur son territoire pour protéger
ses producteurs, il a dit ne pas comprendre pourquoi les pays de
l'UEMOA ne mettent aucune taxe significative sur le riz importé..
Aux ménagères, il a demandé si elles étaient prêtes à payer
le riz local plus cher pour faire vivre la filière ? Ce à quoi
des participants ont répondu oui à condition que la qualité y
soit.
En rappel, le Burkina dépense entre 15 et 20 milliards de F CFA
pour importer du riz.
L'exemple du coton et du riz a permis de montrer les enjeux d'un
commerce équitable. Car mieux vendu, les produits et les matières
premières du Sud peuvent permettre de lutter efficacement contre
la pauvreté.