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Le groupe Aiglon : Un partenariat de dupes

 

Samedi 26 janvier 2002, Bobo Dioulasso accueille le tout Burkina pour un événement historique. Ce soir là, l'Etat, en partenariat avec le groupe l'Aiglon, lance la Société de production des filières agricoles (SOPROFA). La nouvelle société qui est une société d'économie mixte a été créée le 18 juillet 2001 en Conseil de ministres avec un capital de 500 000 000 de FCFA reparti entre le groupe L'Aiglon (75%) et l'Etat burkinabè (25%). En ce jour historique, tous les acteurs des filières agricoles étaient là, enthousiastes. Jamais en effet, dans les annales de l'agriculture burkinabè, une entreprise privée ne s'était intéressé aux cultures vivrières. La SOPROFA est donc une grande ambition; elle est même une ambition démesurée. Qu'importe, puisque l'Etat se porte garantie l'affaire, il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter outre mesure. Les objectifs chiffrés sont très éloquents :

- céréales (maïs, sorgho, mile) = 50 000 tonnes
-riz =35 000 tonnes
- sésame = 15 000 tonnes
- tomates = 22 000 tonnes
- mangues = 8 000 tonnes

Cette collecte devrait permettre à la SOPROFA d'injecter dans l'économie rurale, environ 12 milliards de francs. A l'horizon 2005, c'est 136 milliards de francs CFA qui devraient être distribués par la société au profit du monde rural. On le voit, l'événement du 26 janvier 2002 était de taille. Tout le monde était là. Le gouvernement, le corps diplomatique, les organisations internationales, les délégations des paysans venus des 45 provinces. Tout le monde a répondu à l'appel sauf la population de Sya qui, curieusement, avait boudé la cérémonie. Le ministre en charge de l'Agriculture, s'en prendra plus tard aux organisateurs pour ce manque de mobilisation. L'histoire nous dit aujourd'hui que la population de Bobo a eu raison de ne pas sortir, car ce qui s'y était passé ce jour là, était plus que de la mascarade. Au cours de la cérémonie de lancement, des chèques ont été remis aux producteurs dont le total du montant s'élevait à 79 768 950 FCFA. Ces chèques seront repris des mains des pauvres producteurs, une fois les officiels repartis. Dès cet instant, beaucoup comprirent qu'il y avait maldonne quelque part et commencèrent à prendre leur distance avec SOPROFA. La duperie n'allait malheureusement pas s'arrêter en si bon chemin.
Le 18 juillet 2002, en grandes pompes (la SOPROFA en a l'habitude), on procédera au lancement de la production du sésame à Titao. Ici encore, les chiffres avancés donnent le tournis. Les prévisions sont fantaisistes et ce fut le fiasco total en fin de campagne. Qu'à cela ne tienne ! Pour le lancement de la saison agricole 2002-2003 qui a eu lieu dans le Koulpélogo, on invita les producteurs à producteurs à produire du soja. Sans hésiter, ceux-ci produisirent plus de 1 000 tonnes de soja. Hélas, la SOPROFA n'a pu acheter que quelques dizaines de tonnes. Toutes les activités de la SOPROFA depuis sa création en 2002 n'ont été qu'un désastre et voici qu'en deux ans d'existence, elle se trouve déjà à genoux. Pourtant tout à été mis en oeuvre pour que l'opération réussisse. L'Etat a mis à la disposition de son partenaire (le groupe l'Aiglon) 127 agents de conception et de vulgarisation, conformément aux objectifs définis par spéculation et par province (70 techniciens supérieurs, 45 superviseurs et 12 encadreurs coordonnateurs).
Les parcs automobiles des DPA et DRA ont été durement mis à contribution pour la bonne marche de l'opération.
En fait, la SOPROFA, tout comme les deux autres société du groupe l'Aiglon, a fonctionné comme une société hors-la-loi. Un fictif conseil d'administration a été convoqué par voie de presse et bien entendu n'a jamais eu lieu.

La SODEGRAIN


La société de décorticage de graines (SODEGRAIN) est une société anonyme au capitale de 250 000 000 FCFA. Elle a été reprise à l'Etat à la suite de la libéralisation de la filière riz en mars 2000. Anciennement appelée SONACOR, la SODEGRAIN a une capacité de traitement de 4 tonnes par heure soit 24 000 tonnes par an. Aujourd'hui, cette société est incapable de produire 100 tonnes par mois. Tout comme la SOPROFA et la SAVANA, l'activité prédominante de cette société est tournée vers l'import-export.

La SAVANA

La SAVANA est une société anonyme au capital de 350 000 000 de FCFA ses objectifs sont :
- La production industrielle, l'achat, la vente de produit agricoles, l'import-export, l'achat, la vente et la commercialisation des toutes marchandises et d'une façon général, toute opération mobilière et immobilière industrielle, commerciale et financière se rattachant directement ou indirectement à l'objet social et susceptible d'en faciliter l'extension et le développement.
En lisant les statuts juridiques des trois sociétés, on est frappé par la similitude de la nature de leurs activités, Elles ont toutes le même objectif. On le voit, l'intention réelle du groupe Aiglon n'est pas d'aider les producteurs, mais de faire du super profit. Décortiquer le riz, fabriquer des concentrés de tomate, et pré-financer les cultures vivrières ne sont pas des activités rentables. On constaté alors que le licenciement des travailleurs répond plus à un souci d'économiser qu'à des difficultés économiques. On n'a pas besoin de grand nombre pour acheter et vendre du bois, du cacao, du sucre ou de l'huile. Les faits sont accablants. Le ministère, pour permettre à la SOPROFA de payer les dettes des producteurs, a octroyé à celui-ci des milliers de tonnes d'engrais NPK. Ces intrants ont été vendus, mais tous les acteurs des filières ne sont pas encore tous payés. On est en droit aujourd'hui de se poser des questions. De quelles protections a pu bénéficier le groupe Aiglon pour réussir de tels forfaits. Il s'est totalement mis en marge de la loi impunément. Les sociétés ne payaient pas les impôts, ne reversaient pas les cotisations des travailleurs à la Caisse ou à la Carfo; on a interdit le droit de se syndiquer aux travailleurs. On ne leur a pas permis de se choisir des délégués du personnel. Les salaires n'étaient pas accompagnés de bulletins de paie et la liste est longue.
Aujourd'hui, il appartient à l'Etat, à l'Assemblée nationale de tirer toutes les conséquences de cette scabreuse affaire et de faire en sorte que les travailleurs licenciés rentrent dans leurs droits. Dans tous les cas, une explication doit être donnée aux producteurs. Sinon, c'est toute la politique agricole qui va en pâtir et ceci, pour longtemps. Plus jamais, les paysans n'auront confiance même en l'Etat.


Jules Ouédraogo


Quotidien Burkinabé Le pays N°3212 du 17/09/2004

Le même jour, dans le même quotidien paraissait l'article sur 
la SOPROFA et les producteurs du riz du Sourou

 

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